Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/263

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silence, comme elle était venue, et, regagnant une fois encore sa chambre, elle s’y tint assise durant le reste de cette longue, longue et malheureuse nuit.

Enfin le jour fit pâlir sa chandelle presque consumée, et Nelly s’endormit. Mais elle fut bientôt avertie par la servante qui la veille l’avait menée à sa chambre. Sitôt qu’elle fut prête, elle se disposa à aller rejoindre son grand-père. Auparavant, elle fouilla dans sa poche et reconnut que tout son argent en avait été enlevé. Il n’y restait pas même une pièce de dix sous.

Déjà le vieillard était prêt : au bout de quelques minutes l’un et l’autre étaient en route. L’enfant pensa qu’il évitait de rencontrer son regard et semblait attendre qu’elle lui parlât de sa perte. Elle comprit qu’elle devait le faire pour qu’il ne soupçonnât point la vérité.

« Grand-père, dit-elle d’une voix tremblante, quand ils eurent fait silencieusement un mille, croyez-vous que les gens de là-bas soient honnêtes ?

— Comment ? répondit-il très-ému, si je les crois honnêtes… Oui, ils ont joué loyalement.

— Je vais vous dire pourquoi je vous demande cela. J’ai perdu de l’argent cette nuit ; on me l’a pris dans ma chambre, j’en suis certaine ; à moins que ce ne soit pour badiner, seulement pour badiner, grand-papa ; en ce cas, j’en rirais la première, si j’en étais bien sûre…

— Prendre de l’argent pour badiner ! interrompit le vieillard d’une voix saccadée. Ceux qui prennent de l’argent le prennent pour le garder. Il n’y a pas de quoi badiner.

— Eh bien ! il m’a été dérobé dans ma chambre, dit l’enfant dont la dernière espérance s’évanouit devant le ton de cette réponse.

— Mais ne t’en reste-t-il plus, Nell ? dit le vieillard ; n’as-tu rien encore ? Tout a-t-il été pris… jusqu’au moindre liard ? … Ne t’a-t-on rien laissé ?

— Rien !

— Ne t’inquiète pas, nous en gagnerons bien davantage, dit le vieillard. Gagnons, amassons, faisons rafle de manière ou d’autre. Ne pense pas à cette perte. Il n’en faut parler à personne, et peut-être le regagnerons-nous, cet argent. Ne me demande pas comment nous pouvons le regagner et bien plus encore ; mais n’en parle à personne, cela pourrait nous porter