Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/266

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servi, que huit des jeunes élèves de miss Monflathers depuis que nous sommes ici, et elles sont au nombre de vingt-six, comme me l’a appris la cuisinière à qui j’ai adressé une question ou deux, en la laissant entrer gratis. Il faut les aller trouver avec un paquet de nouveaux prospectus ; vous allez vous en charger, et vous verrez, ma chère, quel effet cela pourra produire sur elles. »

Comme l’expédition projetée était de première importance, Mme Jarley ajusta de ses mains le chapeau de Nelly ; et, ayant déclaré qu’elle avait l’air très-bien comme ça et ne pouvait que faire honneur à l’établissement, elle la laissa partir avec force recommandations, et munie d’instructions prudentes sur les coins de rue qu’elle devait tourner à droite et ceux qu’elle ne devait pas tourner à gauche. Munie de ces instructions, Nelly trouva sans peine le pensionnat et externat de miss Monflathers. C’était une grande maison avec un mur élevé et une grande porte de jardin avec une grande plaque de cuivre, et un petit grillage à travers lequel la gardienne du parloir de miss Monflathers examinait tous les visiteurs avant de leur permettre d’entrer. Pas l’ombre d’homme, pas même un laitier, n’était admis, à moins d’une autorisation spéciale, à franchir le seuil de cette porte. Le collecteur des taxes lui-même, un gros homme qui avait des lunettes et un chapeau à larges bords, ne pouvait passer ses papiers qu’à travers le grillage. Plus dure que le diamant ou l’airain, cette porte de miss Monflathers restait sévèrement fermée devant tout le sexe masculin. Le boucher lui-même respectait ce lieu de mystère, et cessait de siffler quand il mettait la main sur la sonnette.

La terrible porte, au moment où Nelly s’en approchait, tourna lentement sur ses gonds avec un grincement bruyant, et, du fond d’une silencieuse allée couverte, on vit arriver, deux par deux, toute une longue file de jeunes personnes, tenant chacune un livre ouvert et quelques-unes aussi une ombrelle. À l’extrémité de cette procession solennelle venait miss Monflathers, tenant également une ombrelle de soie lilas, et escortée de deux sous-maîtresses souriantes qui se détestaient mortellement l’une l’autre, mais qui rivalisaient de dévouement prétendu pour miss, Monflathers.

Intimidée par les regards et les chuchotements des élèves, Nelly s’arrêta, les yeux baissés, et laissa défiler ce cortège jusqu’à ce que miss Monflathers qui venait à l’arrière-garde, fût