Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/122

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nant une tape sur le dos et regardant Sampson avec dédain. Sally, je n’aime point ce Kit.

— Ni moi, répondit miss Brass.

— Ni moi, dit Sampson.

— Alors, ça va bien, s’écria Quilp. La moitié de notre besogne est déjà faite. C’est un de ces honnêtes gens, un de ces beaux caractères, un animal qui rôde pour surprendre les secrets, un hypocrite, un double masque, un lâche, un espion furtif, un chien couchant devant ceux qui le nourrissent et l’amadouent, mais pour tous les autres, c’est un dogue qui vient vous aboyer dans les jambes.

— Quelle terrible éloquence ! s’écria Brass en éternuant. C’est effrayant !

— Venons-en à l’affaire, dit miss Sally ; pas tant de discours !

— C’est juste, s’écria Quilp en laissant tomber un nouveau regard de dédain sur Sampson ; toujours elle est dans la question ! Je dis, Sally, que ce Kit est un dogue aboyeur et insolent pour tout le monde, mais surtout pour moi. En un mot, je lui garde rancune.

— Cela suffit, monsieur, dit Sampson.

— Non, cela ne suffit pas, monsieur, dit Quilp en ricanant ; voulez-vous bien m’écouter jusqu’à la fin ? Outre que je lui garde rancune sur ce qu’il me contrecarre en ce moment et s’est placé comme une barrière entre moi et un résultat qui sans cela pourrait être une mine d’or pour nous tous ; outre ce motif, je répète qu’il me déplaît, que je le hais. Maintenant, vous connaissez ce garçon, c’est à vous à deviser le reste. Trouvez entre vous quelque moyen de me débarrasser de lui, et mettez-le à exécution. Puis-je y compter ?

— Vous pouvez y compter, monsieur, dit Sampson.

— Alors donnez-moi la main, répliqua Quilp. Sally, ma belle enfant, donnez-moi la vôtre : je compte sur vous tout autant et même plus que sur lui. Voici justement Tom Scott qui revient. Holà ! de la lumière, des pipes, du grog encore ! du grog toujours ! … et vive cette charmante soirée ! »

Pas un mot de plus ne fut prononcé, pas un regard de plus échangé qui eût le moindre rapport au sujet réel de cette réunion. Ce trio avait l’habitude d’agir de concert ; les liens d’un intérêt mutuel les attachaient les uns aux autres ; il n’était donc pas besoin de plus amples explications entre eux. Quilp, repre-