Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/298

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CHAPITRE XXXV.


Quand le matin fut arrivé, et que les voyageurs purent s’entretenir avec plus de calme du sujet de leur tristesse, ils apprirent les détails suivants sur la mort de Nelly.

Il y avait deux jours qu’elle était morte. Ses amis du village étaient auprès d’elle au moment suprême, sachant bien qu’elle tirait à sa fin. Elle mourut peu après le lever de l’aurore. Tour à tour on lui avait fait la lecture, on lui avait parlé jusqu’à une heure assez avancée ; mais vers la dernière partie de la nuit, elle s’endormit. On put comprendre, aux paroles qu’elle prononçait en rêvant, que ses rêves lui retraçaient les excursions faites avec le vieillard ; les scènes pénibles en avaient disparu pour faire place à l’image des êtres généreux qui avaient assisté et traité avec bienveillance le grand-père et sa petite-fille ; car souvent elle disait d’un ton de vive reconnaissance : « Que Dieu vous bénisse ! » Quand elle s’éveilla, elle n’eut pas de délire, si ce n’est qu’elle parla d’une admirable musique qu’elle entendait dans les airs. Qui sait ? c’était peut-être vrai.

Ouvrant les yeux à la fin, après un sommeil très-paisible, elle les pria de l’embrasser encore une fois. Lorsqu’ils l’eurent embrassée, elle se tourna vers le vieillard avec un sourire plein de tendresse, un sourire, dirent les témoins, comme ils n’en avaient jamais vu, et tel qu’ils ne pourraient jamais l’oublier ; et de ses deux bras elle entoura le cou de son grand-père. D’abord, on ne s’aperçut pas qu’elle était morte.

Souvent elle avait parlé des deux sœurs qu’elle aimait, disait-elle, comme de vraies amies. Elle souhaitait qu’on pût leur apprendre un jour combien leur pensée l’avait occupée et combien de fois elle les avait suivies de loin, tandis qu’elles se promenaient ensemble le soir, au bord de la rivière. Elle eût voulu revoir le pauvre Kit, dont elle prononça fréquemment le nom. Elle formait le vœu que quelqu’un lui portât son souvenir ; et même alors elle ne songeait à lui ou ne parlait de lui qu’avec une gaieté franche et vive, comme autrefois.

Au reste, jamais elle n’avait fait entendre ni un murmure ni