Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/308

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réintégré dans sa première résidence. Finalement, vainqueur sur quelques points, vaincu sur d’autres, le résultat définitif fut qu’au lieu d’être prié de vouloir bien voyager pour un temps en pays étranger, il obtint la faveur d’orner de sa présence la mère patrie, sous certaines restrictions tout à fait insignifiantes.

Voici quelles furent ces restrictions : il devait, durant un nombre d’années déterminé, résider dans un bâtiment spacieux où étaient logés et entretenus aux frais du public plusieurs autres gentlemen qui étaient vêtus d’un uniforme gris très-simple, bordé de jaune, portant les cheveux ras et vivant principalement d’un petit potage au gruau. On l’invita aussi à partager leur exercice qui consiste à monter constamment une série interminable de marches d’escalier ; et de peur que ses jambes, peu accoutumées à ce genre de divertissement, ne s’en trouvassent avariées, on lui fit porter au-dessus de la cheville une amulette de fer pour lui servir de charme contre la fatigue. Une fois bien convenus de leurs faits, on le transporta un soir à son nouveau séjour, en grande cérémonie, dans un des carrosses de Sa Majesté, en compagnie de neuf autres gentlemen et de deux dames admis au même privilège.

Indépendamment de ces petites peines, autrement dit, de ces bagatelles, son nom fut effacé du rôle des attorneys ; et je ne sais pas si vous savez que jusqu’à ces derniers temps cette mesure a toujours été considérée comme une marque de dégradation, de déshonneur pour celui qui la subit, comme impliquant nécessairement quelque acte de félonie abominable, vu qu’il y a tant de noms très-peu respectables qui se carrent tranquillement aux meilleures places de la liste des procureurs, sans être en rien molestés.

Quant à Sally Brass, il courut sur son compte une foule de rumeurs contradictoires. Il y en avait d’aucuns qui disaient avec pleine assurance qu’elle s’était rendue aux docks en habits d’homme et s’y était engagée comme matelot femelle. D’autres insinuaient qu’elle s’était enrôlée comme simple soldat dans le deuxième régiment des gardes à pied et qu’on l’avait aperçue en uniforme à son poste, c’est-à-dire se tenant un soir appuyée sur son fusil dans une des guérites du parc de Saint-James ; mais de tous ces bruits, celui qui paraît le plus vraisemblable, c’est, qu’après un laps de quelque cinq années, pendant lesquelles rien n’indique que personne ait pu la rencontrer, on vit