Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/53

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indice de leur itinéraire. En conséquence, elle se décida à accepter l’offre. Le bateau se rapprocha de la rive ; et, avant que Nelly eût eu le temps de se livrer à un examen plus approfondi de la question, son grand-père et elle étaient à bord et glissaient doucement sur le canal.

Le soleil dardait ses feux brillants sur le miroir de l’eau qu’ombrageaient de temps en temps des arbres, ou qui parfois se développait sur la large étendue d’une campagne coupée de ruisseaux d’eau vive, et où l’on pouvait admirer un riche ensemble de collines boisées, de terres cultivées et de fermes bien encadrées de verdure. Çà et là, un village, avec la modeste flèche de son église, avec ses toits de chaume et ses pignons, sortait du sein des arbres ; plus d’une fois apparaissait une ville éloignée, avec le mirage des grandes tours de ses églises se détachant dans une atmosphère de fumée, avec ses hautes fabriques qui sortaient du pêle-mêle des maisons confuses. Ils avaient le temps de les considérer d’avance, car ils marchaient lentement. Le plus souvent ils côtoyaient des prairies basses et des plaines tout ouvertes : et à part ces paysages placés à une certaine distance, à part quelques hommes qui travaillaient aux champs ou s’arrêtaient sur les ponts au-dessous desquels passait le bateau, afin de le suivre du regard dans sa marche, rien ne venait rompre la monotonie et l’isolement de ce voyage.

À une heure assez avancée de l’après-midi on s’arrêta à une espèce de débarcadère. Nell apprit avec découragement, par un des bateliers, que ceux-ci ne comptaient pas atteindre le but de leur course avant le lendemain, et que, si elle n’avait pas de provisions, elle ferait bien de s’en procurer en cet endroit. Elle ne possédait que quelques sous, sur lesquels elle avait dû déjà acheter du pain : il lui fallait ménager précieusement ce petit pécule, au moment où elle se dirigeait avec son grand-père vers une ville entièrement inconnue pour eux, et qui ne leur offrirait aucune ressource. Un peu de pain, un morceau de fromage, ce furent là toutes ses emplettes. Munie de ces provisions modestes, elle remonta dans le bateau. Au bout d’une demi-heure de halte employée par les mariniers à boire au cabaret, on se mit en marche.

Ces hommes avaient emporté à bord de la bière et de l’eau-de-vie ; et grâce aux larges libations qu’ils avaient faites précédemment ou qu’ils firent ensuite, ils furent bientôt en bon