Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais au milieu d’une égale indifférence de la part de ceux qui les entouraient. Les lumières des rues et des boutiques vinrent ajouter à leur désespoir ; car il leur semblait que ces feux, en s’allumant sur une longue ligne, précipitaient encore la venue de la nuit et des ténèbres. Vaincue par le froid et l’humidité, malade de corps, malade de cœur jusqu’à la mort, l’enfant avait besoin de sa suprême fermeté, de sa suprême résolution même pour avancer de quelques pas.

Ah ! pourquoi étaient-ils venus dans cette ville bruyante, lorsqu’il y avait tant de paisibles campagnes où la faim et la soif eussent été accompagnées pour eux de moins de souffrance que dans cette odieuse cité ! Ils n’étaient là qu’un atome dans un immense amas de misère dont la vue venait encore abattre leur espoir et accroître leur terreur.

Non-seulement l’enfant avait à supporter les peines accumulées d’une position désolante, mais encore il lui fallait essuyer les reproches de son grand-père qui commençait à murmurer, à se plaindre qu’on lui eût fait quitter leur dernier séjour et à demander d’y retourner. Ne possédant pas un penny, sans secours, sans perspective même d’être assistés, ils se mirent à marcher de nouveau à travers les rues désertes et à retourner dans la direction du port, espérant retrouver le bateau qui les avait amenés, pour obtenir la permission de dormir à bord cette nuit. Mais là encore ils subirent un désappointement : car la porte du débarcadère était fermée ; et quelques chiens féroces, aboyant à leur approche, les contraignirent à se retirer.

« Nous dormirons cette nuit en plein air, mon cher grand-papa, dit l’enfant d’une voix faible, au moment où ils s’éloignaient de ce dernier lieu de refuge ; et demain nous nous ferons indiquer un endroit tranquille dans la campagne, où nous puissions essayer de gagner notre pain par un humble travail.

— Pourquoi m’avez-vous amené ici ? répliqua le vieillard avec amertume ; je ne puis plus supporter ces éternelles rues sans issue. Nous étions bien où nous étions ; pourquoi m’avez-vous contraint de partir ?

— Parce que j’y faisais ce rêve dont je vous ai parlé, voilà tout, dit l’enfant avec une fermeté passagère, qui bientôt finit par des larmes ; parce que nous devons vivre parmi de pauvres gens, sinon, mon rêve me reviendra. Cher grand-papa, vous