Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/60

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êtes âgé, vous êtes faible, je le sais ; mais regardez-moi. Jamais je ne me plaindrai si vous ne vous plaignez pas, et cependant j’ai bien souffert aussi pour ma part.

— Ah ! pauvre enfant errante, sans asile, sans mère ! s’écria le vieillard joignant les mains et contemplant comme pour la première fois le visage de Nelly, contracté par la souffrance, ses vêtements de voyage tout tachés, ses pieds meurtris et gonflés, voilà donc où l’a conduite l’excès de ma tendresse ! Moi qui étais si heureux autrefois ! C’est donc pour en arriver là que j’ai perdu mon bonheur et tout ce que je possédais !

— Si nous étions maintenant dans la campagne, dit l’enfant, reprenant de la force tandis qu’ils marchaient et cherchaient des yeux un abri, nous trouverions quelque bon vieil arbre étendant ses bras ouverts comme un ami, agitant son vert feuillage et frémissant comme pour nous inviter à venir goûter le sommeil sous son toit protecteur d’où il veillerait sur nous. Plût à Dieu que nous y fussions bientôt, demain ou après-demain au plus tard, et en même temps croyons bien, ô cher père, que c’est une bonne chose que nous soyons venus ici : car nous sommes confondus au milieu du mouvement et du bruit de cette ville ; et si des méchants nous poursuivaient, sûrement ils auraient perdu nos traces. C’est au moins une consolation. Tenez ! voici une vieille porte renfoncée, très-sombre, mais sèche et chaude sans doute, car le vent n’arrive pas jusque-là. Ah ! mon Dieu ! …

Poussant un cri étouffé, elle recula devant une figure noire qui sortit tout à coup de l’endroit obscur dans lequel ils étaient prêts à chercher un refuge, et resta là à les regarder.

« Parlez encore, dit cette ombre ; il me semble que je connais votre voix ?

— Non, répondit timidement l’enfant ; nous sommes des étrangers, et n’ayant pas de quoi payer notre logement pour la nuit, nous nous disposions à nous arrêter ici. »

Il y avait à quelque distance un quinquet peu lumineux, le seul qui éclairât l’espèce de cour carrée où ils étaient, mais il suffisait pour en montrer la nudité et l’état misérable. Le fantôme noir indiqua du geste cette lumière, et en même temps il s’en approcha, comme pour témoigner qu’il n’avait pas l’intention de se cacher ni de tendre un piège aux étrangers.

Ce fantôme était un homme misérablement vêtu, barbouillé de fumée, ce qui le faisait paraître plus pâle qu’il ne l’était peut--