Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/61

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être par le contraste qu’elle offrait avec la couleur naturelle de son teint. Sa pâleur habituelle, son extérieur chétif, ressortaient suffisamment de ses joues creuses, de ses traits allongés, de ses yeux caves, non moins que d’un certain air de souffrance patiemment supportée. Sa voix était rude mais sans brutalité ; et bien que son visage fut en partie couvert par une quantité de longs cheveux noirs, l’expression n’en était ni féroce ni cruelle.

« Comment en êtes-vous réduits à venir chercher ici un abri ? demanda-t-il. Ou plutôt, ajouta cet homme en examinant plus attentivement l’enfant, comment se fait-il que vous cherchiez un abri à cette heure de nuit ?

— Nos malheurs en sont la cause, répondit le grand-père.

— Vous ne savez donc pas, reprit l’homme dont le regard, en lui répondant, s’attachait de plus en plus sur Nelly, vous ne savez donc pas comme elle est mouillée ! Vous ne savez donc pas que des rues humides ne sont pas un lieu convenable pour elle !

— Je le sais bien, par Dieu ! répliqua le vieillard. Mais que puis-je y faire ? »

L’homme regarda de nouveau Nelly et toucha doucement ses vêtements d’où la pluie coulait en petits ruisseaux.

« Tout ce que je puis faire pour vous, c’est de vous réchauffer, dit-il après une pause, mais rien de plus. Mon logis est dans cette maison ; et il montra le passage voûté d’où il était sorti d’abord ; cette enfant y sera bien mieux qu’ici. L’endroit où se trouve le feu n’est pas beau, mais vous pouvez y passer la nuit à votre aise, si du reste vous avez confiance en moi. Voyez-vous là-haut cette lumière rouge ? »

Ils levèrent les yeux et aperçurent une lueur terne se détachant sur le fond obscur du ciel ; c’était la pâle réverbération d’un feu éloigné.

« C’est près d’ici, dit l’homme. Voulez-vous que je vous y conduise ? Vous alliez dormir sur des briques froides ; je puis vous fournir un lit de cendres chaudes ; rien de mieux. »

Sans attendre une réponse qu’il lisait d’ailleurs dans leurs regards, il prit Nell dans ses bras, et invita le vieillard à le suivre.

La portant avec autant de précaution et de facilité que si elle avait été un tout petit enfant, et montrant lui-même non moins de légèreté que de solidité dans son pas, il les conduisit à tra-