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NICOLAS NICKLEBY.

— Cher Nicolas ! lui cria sa sœur en se cramponnant à lui, calmez-vous, examinez… — Examiner, Catherine ! dit Nicolas en serrant sa main avec tant de force qu’elle pouvait à peine supporter la douleur. Quand j’énumère tout ce qui s’est passé, il faut que je sois de fer pour rester calme devant lui. Qui parle d’un ton à faire croire que je suis coupable et que j’ai déshonoré ma famille ? — C’est votre mère, Monsieur, répondit Ralph en l’indiquant du doigt. — Dont vos propos ont empoisonné les oreilles, dit Nicolas. Vous qui, sous prétexte de mériter les remercîments qu’elle vous adressait, avez amoncelé sur ma tête toute espèce d’outrages ; vous qui m’avez envoyé dans un repaire où une cruauté sordide, bien digne de vous, s’exerce sans contrainte. — Réfutez ses calomnies, dit Catherine, et mettez-y plus de calme ; car votre colère nuirait à votre cause. Dites-nous la vérité, et confondez l’imposture. — De quoi m’accuse-t-on ?… ou plutôt de quoi m’accuse-t-il ? — D’abord, d’avoir attaqué votre maître, et d’avoir été sur le point de vous mettre en état d’être jugé comme assassin. Je parle à cœur ouvert, jeune homme, fâchez-vous si vous voulez. — Je suis intervenu pour arracher une misérable créature à la barbarie la plus abjecte. En agissant ainsi, j’ai infligé à un infâme une punition qu’il n’oubliera pas de longtemps, quoiqu’elle soit bien au-dessous de celle qu’il mérite. Et puis j’ai sauvé un être faible et sans secours, dont je suis maintenant le protecteur…

— Vous l’entendez ? dit Ralph s’adressant encore à la mère, tout est prouvé, même par son propre aveu. Voulez-vous rendre cet enfant, Monsieur ? — Non ; je m’y refuse. — Vous vous y refusez ? — Oui. Je ne le rendrai pas à l’homme des mains duquel je l’ai tiré. Je voudrais connaître celui dont il tient l’existence ; je le ferais rougir de son abandon, fût-il mort à tous les sentiments de la nature. — Vraiment ! maintenant, Monsieur, souffrez que je vous dise deux mots. — Vous pouvez parler quand et comme il vous plaira, répondit Nicolas en embrassant sa sœur ; je fais peu d’attention à vos paroles et à vos menaces. — Puissamment bien, Monsieur ; mais elles en intéressent peut-être d’autres, qui jugeront à propos de m’écouter, et pèseront ma déclaration. Je m’adresserai à votre mère, qui connaît le monde. Aujourd’hui je ne menace point ; mais je dis que je ne donnerais pas à ce jeune homme un sou de mon argent, un morceau de mon pain, pour le sauver de la potence la plus haute de toute l’Europe. Je ne veux ni le voir ni en entendre parler ; je refuserai mon appui à ceux qui lui accorderont le leur. J’ai regret de vous abandonner, et plus encore d’abandonner ma nièce ; mais comme je ne puis vous demander de renoncer à lui, je cesserai de vous voir. — Que voulez-vous que