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NICOLAS NICKLEBY.

sence prolongée de Nicolas commençait à exciter de vives alarmes dans le cœur de ses deux amis. Mais enfin une voiture s’arrêta à la porte, et Newman courut au-devant de Nicolas. En le voyant dans l’état décrit à la fin du dernier chapitre, il demeura immobile de surprise et de consternation.

— Ne vous alarmez pas, dit Nicolas, je n’ai pas de mal ; un peu d’eau me guérira. — Pas de mal ! s’écria Newman portant vivement la main sur le dos et les bras de Nicolas pour s’assurer qu’il n’avait pas d’os cassé. Qu’avez-vous fait ? — Allons, parlez, Newman. — Oui, oui ; je vais vous dire toute la vérité.

Newman le fit. Nicolas inclina la tête de temps en temps aux détails qui venaient à l’appui de ce qu’il avait déjà entendu ; mais il tint les yeux fixés sur le feu sans les lever un seul instant.

Son récit terminé, Newman exigea que Nicolas ôtat son habit et permit de panser ses blessures ; Nicolas y consentit avec quelque répugnance, et, pendant que diverses contusions assez graves aux bras et aux épaules étaient frottées d’huile et de vinaigre, et d’autres remèdes efficaces que Nicolas avait empruntés aux différents locataires, il raconta la manière dont il les avait reçues. Cette narration fit une forte impression sur l’ardente imagination de Newman ; car lorsque’Nicolas en vint à la partie violente de la querelle, Newman frotta de manière à lui causer les plus vives douleurs. Cependant Nicolas se garda bien de se plaindre ; car il comprit clairement que, pour le moment, Newman opérait sur sir Mulberry Hawk, et avait complètement perdu de vue son véritable patient.

Après avoir subi ce martyre, Nicolas convint avec Newman qu’on s’arrangerait pour que sa mère changeât immédiatement de domicile, et qu’on lui dépêcherait miss la Creevy pour lui apprendre les nouvelles du jour. Puis, il s’enveloppa dans la redingote de Smike, et alla à l’auberge où ils devaient passer la nuit. Là, après avoir écrit à Ralph quelques lignes, que Newman devait se charger de remettre le lendemain, il s’efforça de goûter le repos dont il avait tant besoin.

Les hommes ivres, dit-on, peuvent rouler au fond d’un précipice, et n’avoir pas la moindre idée d’un danger sérieux quand ils reviennent à la raison. Cette observation peut s’appliquer à tout ce qu’on endure dans un état d’excitation violent. Il est certain que le lendemain matin, bien que Nicolas éprouvât d’abord quelque peine à s’éveiller, il sortit aisément du lit à sept heures, alerte et dispos, comme s’il ne lui fût rien arrivé.

Il jeta un coup d’œil dans la chambre de Smike, l’avertit de la prochaine visite