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NICOLAS NICKLEBY.

j’ai souffert, et maintenant !… — Vous êtes une folle créature, reprit gaiement Nicolas. Mais voici une triste mine pour être présenté à des dames, à ma sœur, dont vous m’avez si souvent parlé.

Smike se ranima et sourit.

Nicolas prit son compagnon par le bras, continua la conversation pour le consoler, lui montra en route divers objets capables de l’amuser et de le distraire, et le conduisit chez miss la Creevy.

— Catherine, dit Nicolas en entrant dans la chambre où sa sœur était seule, voici le fidèle ami et le bon compagnon de voyage que je vous ai préparée à recevoir.

Le pauvre Smike fut d’abord assez interdit, mais Catherine l’accueillit avec tant de bonté, qu’il se remit presque immédiatement, et se sentit à son aise.

Smike fut ensuite présenté à miss la Creevy. Miss la Creevy ne fut pas moins affectueuse, et jasa considérablement, non pas avec Smike, dont elle eût redoublé le trouble, mais avec Nicolas et sa sœur. Puis elle adressa de temps en temps la parole à Smike, lui demandant s’il était bon juge en fait de ressemblance ; si ce portrait placé dans le coin lui ressemblait ; s’il ne croyait pas qu’elle eût bien fait de se rajeunir de dix ans.

La porte s’ouvrit encore, et une dame en deuil entra. Nicolas embrassa la dame en deuil en l’appelant sa mère, et la conduisit vers la chaise que Smike avait quittée quand elle avait paru.

— Vous êtes toujours bonne et secourable au malheur, ma chère mère, dit Nicolas ; vous serez donc favorablement disposée en sa faveur, je le sais. — Certainement, mon cher Nicolas, répondit madame Nickleby regardant d’un air dur sa nouvelle connaissance et la saluant avec un peu plus de majesté que n’en exigeait l’occasion, tous vos amis, vous le savez, ont des droits à mes égards, et c’est avec le plus grand plaisir que je reçois toute personne à laquelle vous prenez intérêt, il n’y a pas de doute à cela ; en même temps, je dois vous dire, mon cher Nicolas, ce que j’avais coutume de dire à votre pauvre père quand il invitait quelqu’un à dîner, et qu’il n’y avait rien à la maison : — Si vous l’aviez amené il y a deux jours, lui disais-je, nous aurions été plus à même de le recevoir. — Mais ici, ce n’est plus il y a deux jours qu’il faut dire, c’est il y a deux ans.

À ces mots, madame Nickleby se tourna vers sa fille et lui demanda tout bas, mais à intelligible voix, si ce monsieur allait coucher à la maison…

Sans paraître aucunement contrariée, Catherine murmura quelques mots à l’oreille de sa mère.