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NICOLAS NICKLEBY.

Catherine avec enjouement. — Bon, mais est-ce là votre avis ? dit madame Nickleby avec autant de gravité que s’il se fût agi d’une question de l’intérêt le plus palpitant. Si ce n’est point votre avis, avouez-le franchement, car il est à propos de savoir à quoi s’en tenir, principalement sur un point de cette espèce, qui est très curieux, et vaut la peine d’être éclairci.

Catherine répliqua en riant qu’elle était parfaitement convaincue.

— Eh bien ! dit madame Nickleby en continuant l’inspection du jardin, je déclare qu’il n’y a jamais eu de meilleure créature que Smike. Sur ma parole, je lui sais gré des peines qu’il a prises pour arranger ce petit treillage, et l’entourer des plus jolies fleurs ; seulement, je voudrais qu’il n’eût pas mis tout le sable du côté où vous vous mettez d’ordinaire, Catherine, en ne me laissant que le sol nu. — Mon Dieu, ma mère, répondit précipitamment Catherine, nous changerons de place, si vous voulez. — Non pas, ma chère. Je tiens à garder ma place habituelle. Mais que vois-je ?

Catherine la regarda d’un air interrogateur.

— N’a-t-il pas été planter ici deux pieds de ces fleurs que l’autre soir je disais aimer à la folie, en vous demandant si vous les aimiez aussi… ou plutôt, que vous me disiez aimer à la folie, en me demandant si je les aimais aussi… cela revient au même ? Sur ma parole, voilà de l’attention ! Je ne vois point de ces fleurs de mon côté, mais je suppose qu’elles viennent mieux sur le sable. Voilà pourquoi, Catherine, elles sont toutes auprès de vous, et il y a mis le sable parce que c’est le côté du soleil. Sur ma parole, c’est très-bien de sa part. — Ma mère, dit Catherine, se courbant sur son ouvrage de manière à cacher sa figure, avant votre mariage… — Au nom du ciel, Catherine, pourquoi remontez-vous au temps qui précède mon mariage, quand je vous parle des attentions de Smike pour moi ? vous ne semblez pas prendre le moindre intérêt au jardin. — Si fait, ma mère, dit Catherine en levant la tête. — Eh bien ! alors, ma chère, pourquoi ne faites-vous pas l’éloge de la propreté avec laquelle il est tenu ? Que vous êtes singulière, Catherine ! — J’en fais l’éloge, ma mère, répondit doucement Catherine ; le pauvre garçon ! — Je vous comprends à peine, Catherine.

Pendant qu’elle s’exprimait ainsi, madame Nickleby avait cueilli des fleurs qui formaient un gros bouquet. Elle les divisa en une multitude de petits bouquets, et alla les placer sur la cheminée et les meubles du salon, de la manière la plus agréable possible.

Vers six heures de l’après-midi, un coup frappé à la porte mit la dame du logis