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NICOLAS NICKLEBY.

reconnu tous deux, dit Ralph ; vous à votre langue, et lui (montrant Smike) à ses regards. — Ne parlez pas à cet homme, cria Nicolas ; je ne veux pas l’entendre, je ne veux pas l’entendre, je ne le connais pas, je ne puis respirer l’air qu’il empoisonne ; sa présence est une honte, une insulte pour ma sœur. — Arrêtez ! dit John, lui mettant sa lourde main sur la poitrine. — Alors, qu’il se retire immédiatement ! dit Nicolas ; je ne veux point porter la main sur lui, mais qu’il s’en aille ! John, John Browdie, suis-je chez moi ? suis-je un enfant ? S’il reste ici, à regarder avec tant de calme ceux qui connaissent la perversité de son cœur, vous voyez bien qu’il me rendra fou.

John Browdie ne répondit à toutes ces exclamations qu’en continuant à retenir Nicolas. Quand celui-ci se tut, John prit la parole.

— Il est plus essentiel de l’écouter que vous ne le croyez. Je vous dis que j’ai eu vent de ce qui se prépare. Qu’est-ce que cette ombre que j’aperçois dans le corridor ? Allons, maître d’école, montrez-vous, mon homme ; n’ayez pas honte.

M. Squeers était demeuré en arrière en attendant le moment de faire une entrée à effet ; mais, ainsi conjuré, il fut forcé de se présenter piteusement et sans dignité. Son embarras divertit tellement John Browdie, que ses éclats de rire égayèrent Catherine elle-même, bien qu’elle fût affligée et surprise.

Quand le silence fut rétabli, Ralph s’adressa à madame Nickleby, sans perdre de vue Catherine, comme s’il eût tenu à s’assurer de l’effet qu’il produirait sur elle.

— Maintenant, Madame, écoutez-moi : vous n’êtes pour rien, je l’imagine, dans la belle tirade que votre fils m’a écrite. La nature, la raison, votre expérience devraient avoir de l’influence sur lui ; mais je ne pense pas que vous ayez de volonté à vous, je ne pense pas qu’il daigne consulter un seul instant votre opinion ni vos désirs.

Madame Nickleby soupira en signe d’adhésion.

— Je m’adresse donc à vous, Madame, et comme je ne veux pas être déshonoré par les actes d’un enfant pervers que j’ai été obligé de désavouer, et qui ose feindre de me désavouer lui-même, je me présente aujourd’hui dans cette maison. Ma visite a encore un motif… un motif d’humanité. Je viens rendre un fils à son père.

Ralph prononça ces mots lentement et avec un sourire de triomphe. Nicolas pâlit.

— Oui, Monsieur, je viens rendre un enfant à son père, un enfant égaré, gardé à vue par vous, dans l’odieuse intention de vous emparer du peu de bien qui doit lui revenir un jour. — En cela, vous savez que vous mentez, dit fièrement Nicolas. —