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NICOLAS NICKLEBY.

innocente ? — Oui, oui, repartit M. Charles ; du moins elle sait que vous viendrez de notre part ; elle ignore toutefois ce que nous ferons de ce que vous achèterez de temps en temps ; et peut-être, si vous jouiez bien votre rôle, peut-être parviendrait-on à lui persuader que nous… que nous bénéficions sur ces objets : qu’en dites-vous ?

M. Charles était si heureux de cette naïve supposition, et l’idée que la jeune personne croirait peut-être ne lui avoir aucune obligation lui causait un plaisir si vif, que Nicolas n’osa le contredire.

— Pourquoi, pensa-t-il, mettrais-je des obstacles à l’exécution de ce projet charitable ? Cet excellent homme n’est-il pas en droit d’attendre de moi le plus entier dévouement, et des considérations personnelles doivent-elles m’empêcher de lui rendre service ?

Nicolas s’adressa ces questions, et se répondit énergiquement : — Non !

Il se persuada qu’il était un martyr volontaire et glorieux, il crut se résigner noblement à accepter sa mission.

M. Cheeryble, ne se doutant nullement des réflexions qui se présentaient à l’esprit du jeune homme, continua à lui donner les instructions nécessaires. La première visite devait avoir lieu le lendemain ; et après qu’on eut réglé tous les préliminaires et recommandé le secret le plus rigoureux, Nicolas se retira pensif.

Le lieu où M. Cheeryble l’envoyait était un pâté de maisons basses et misérables, situé aux environs de la prison de King’s-Bench. Il y a là une douzaine de rues, où sont autorisés à demeurer les débiteurs qui peuvent acheter ce droit.

L’aspect de la maison était triste, les fenêtres du rez-de-chaussée étaient sombres et à peine garnies de sales rideaux de mousseline. La porte ouverte découvrait aux yeux de Nicolas un escalier couvert d’un vieux tapis fané.

Nicolas eut tout le temps de faire ces remarques, pendant qu’un petit garçon allait appeler la domestique de miss Bray. Rien n’était plus simple que de demander miss Bray ; et cependant, quand la servante parut, Nicolas donna les signes d’une agitation plus violente que celle qu’aurait dû causer une circonstance aussi naturelle.

Il monta, et fut introduit dans une chambre du devant. Là, auprès de la fenêtre, à une petite table garnie de tous les objets nécessaires pour dessiner, était assise la jeune fille qui l’avait charmé.

Combien le cœur de Nicolas fut touché de ce qu’elle avait répandu d’élégant et de gracieux dans cet humble appartement ! Qu’il lui avait fallu de sacrifices pour