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NICOLAS NICKLEBY.

— Je croyais vraiment qu’ils n’étaient partis que depuis une demi-heure. — Vos idées étaient donc bien agréables ? dit gaiement Nicolas. À quoi pensiez-vous ?

Catherine fut embarrassée, joua avec un ruban qui était sur la table, leva les yeux et sourit, les baissa et laissa tomber une larme.

Nicolas attira vers lui sa sœur, et l’embrassa.

— Voyons, Catherine, dit-il, regardez-moi en face. Vous ne voulez pas ? Plus longtemps que cela !… Allons, je crois lire vos pensées dans vos yeux.

Cette simple supposition troubla Catherine à tel point, que Nicolas n’y donna aucune suite. En montant avec sa sœur, il apprit que Smike avait passé la soirée tout seul ; mais ce ne fut pas sans peine, car Catherine semblait éviter aussi de parler sur ce sujet.

— Le pauvre garçon ! quelle peut être la cause de tout cela ? dit Nicolas.

Il frappa doucement à sa porte ; et Catherine, suspendue au bras de son frère, n’avait pas eu le temps de le quitter, quand Smike parut pâle et hagard et tout habillé.

— Vous ne vous êtes pas encore couché ? — Non.

Nicolas retint doucement sa sœur, qui voulait se retirer, et demanda :

— Pourquoi ? — Je ne pouvais dormir, dit Smike saisissant la main que lui tendait son ami. — Vous n’êtes pas bien ? demanda Nicolas. — Je suis mieux… beaucoup mieux… dit Smike avec vivacité. — Allons, demanda Nicolas avec bonté, pourquoi vous abandonner à ces accès de mélancolie, ou pourquoi ne pas nous en dire la cause ? Votre caractère change, mon ami. — Je le sais, je le sais, répliqua Smike. Je vous en dirai un jour la raison, mais pas maintenant. Je m’en veux ; vous êtes tous trop bons pour moi ; mais je ne puis me vaincre. Mon cœur est oppressé… vous ne savez pas à quel point…

Il étreignait la main de Nicolas, et regarda un moment le frère et la sœur, comme s’il y eût eu dans leur tendresse mutuelle quelque chose qui l’eût touché profondément. Puis il se retira dans sa chambre, et fut bientôt le seul qui veillât dans cette paisible demeure.


CHAPITRE XL.


Les courses de Hampton étaient au plus haut degré de leur éclat ; le soleil resplendissait dans un ciel sans nuages ; les pavillons flottants, qui surmontaient les