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NICOLAS NICKLEBY.

vert-bouteille. — Il est trop bon pour servir à vos noces, maître, reprit Peg Sliderskew après un rapide examen du costume. N’en avez-vous pas de plus mauvais ? Pourquoi ne vous mariez-vous pas avec vos hardes de tous les jours ? — C’est que je veux être aussi bien que possible. — Aussi bien que possible ! Allez, que vous soyez en habit gris, vert-bouteille, bleu-de-ciel, ou marron, votre fiancée ne vous trouvera ni mieux ni plus mal, soyez-en sûr.

Là-dessus, Peg Sliderskew prit l’habit préféré entre ses bras décharnés, et ricana au point que les larmes lui vinrent aux yeux.

— Vous êtes de bonne humeur, Peg ? dit Arthur d’assez mauvaise grâce. — Il y a de quoi, reprit la vieille femme. Mais ça ne durera pas, je vous en avertis, si l’on veut m’imposer des lois. Votre vieille femme de charge, Peg Sliderskew, ne souffrira point, vous le savez, qu’on la traite de haut en bas ; et quand elle vous quittera, ce sera votre ruine. — Vous ne me quitterez jamais, dit Arthur, que ce mot de ruine épouvantait. — Ainsi, raccommodez mon habit vert-bouteille avec de la soie noire. Procurez-vous-en un écheveau, et achetez des boutons neufs. À propos, j’ai une idée qui vous charmera, je crois ; comme je n’ai encore rien donné à ma future, et que les jeunes filles sont sensibles aux petits présents, vous nettoierez un beau collier que j’ai là-haut, et je le lui donnerai le matin de ses noces ; je le mettrai moi-même autour de son cou, et je le reprendrai le lendemain.

Madame Sliderskew parut approuver hautement ce plan ingénieux, et exprima sa satisfaction par diverses contorsions.

— Elle est presque sorcière, se dit Arthur Gride resté seul ; mais elle est très-frugale et très-sourde. Sa nourriture ne coûte rien, et il lui serait entièrement inutile d’écouter aux portes. C’est une femme charmante… pour ce que j’en veux faire ; une femme de charge très-discrète, et qui vaut son pesant… de cuivre.

Après avoir ainsi exalté les mérites de sa domestique, le vieil Arthur reprit ses refrains et remettait en place les habits, quand le bruit de la sonnette le fit tressaillir.

Il acheva à la hâte de fermer l’armoire ; mais il n’avait pas besoin de se presser, car la discrète Peg ne s’apercevait qu’on sonnait que lorsque, levant les yeux par hasard, elle voyait le fil de fer de la sonnette danser au plafond de la cuisine. Cependant Peg parut bientôt après, suivie de Newman Noggs.

— Ah ! monsieur Noggs, s’écria Arthur Gride en se frottant les mains. Mon cher ami, quelles nouvelles m’apportez-vous ? — Une lettre de M. Nickleby ; j’attends la réponse. — Voulez-vous prendre…