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Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. La Bédollière, 1840.djvu/35

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NICOLAS NICKLEBY.

qu’il y met de l’entêtement, et rien ne me convaincra du contraire : je le guérirai à coups de poing, comme je vous l’ai dit il y a un mois. — Oui, mon amour, nous verrons ce qu’il y aura à faire.

Pendant ces tendresses, Nicolas, assez déconcerté, s’était tenu au milieu de la chambre, ne sachant si l’on désirait qu’il se retirât dans le corridor, ou qu’il restât où il était. M. Squeers le tira de son incertitude.

— Voici le nouveau jeune homme, ma chère. — Oh ! répondit madame Squeers en faisant un léger signe de tête à Nicolas et le toisant froidement de la tête aux pieds. — Il mangera une bouchée avec nous ce soir, dit Squeers, et il ira rejoindre les enfants demain matin. Pouvez-vous lui dresser un lit ici pour cette nuit ? — Nous arrangerons cela, répondit la dame. Vous ne vous inquiétez pas beaucoup de la manière dont vous dormez, je pense ? — Non, vraiment, répondit Nicolas, je ne suis pas difficile. — C’est heureux, dit madame Squeers.

Comme la dame passait pour être surtout forte sur la repartie, M. Squeers rit de bon cœur et parut s’attendre à ce que Nicolas en fît autant.

Au bout d’un moment de conversation entre le maître et la maîtresse relativement au succès des démarches de M. Squeers, aux gens qui avaient payé et à ceux qui avaient fait faillite, une jeune servante apporta un pâté et un peu de bœuf froid ; puis Smike, le valet, parut avec un cruchon d’ale.

M. Squeers avait tiré des poches de son pardessus des lettres pour différents élèves, et autres papiers. Le domestique regardait ces papiers avec une expression d’inquiétude et de timidité, comme s’il eût conçu une faible espérance que l’un d’eux lui serait adressé. Ce regard était douloureux, et pénétra jusqu’au fond du cœur de Nicolas ; car il révélait une longue et triste histoire.

Ce fut un motif pour que Nicolas examinât plus attentivement le valet, et il fut surpris du mélange extraordinaire de vêtements qui formait son costume. Quoiqu’il ne pût avoir moins de dix-huit à dix-neuf ans, et qu’il fût grand pour son âge, il portait une veste comme celle que l’on met ordinairement aux plus petits enfants, et ce vêtement, étrangement court de bras et de jambes, était assez large pour son corps amaigri. Afin que la partie inférieure de ses jambes fût en parfaite harmonie avec cet équipement singulier, il avait une énorme paire de bottes, jadis à revers, qui avaient été portées par quelque robuste fermier, mais qui étaient alors éculées et en lambeaux. Dieu sait depuis combien de temps il était à Dotheboys, mais il conservait encore le linge de son trousseau primitif ; car une collerette d’enfant déchirée entourait son cou, et n’était qu’à demi cachée par une cravate d’homme