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NICOLAS NICKLEBY.

l’expression maligne de sa bouche, tout faisait présumer qu’il avait entendu au moins une partie de la conversation ci-dessus.

— Je suis monté presque certain de vous trouver ici, dit Ralph en s’adressant à sa nièce et en regardant dédaigneusement le portrait. Est-ce là le portrait de ma nièce, Madame ? — Oui, Monsieur, dit vivement miss la Creevy ; et entre nous, Monsieur, ce sera un charmant portrait, amour-propre d’artiste à part. — Ne vous dérangez pas pour me le montrer, Madame, s’écria Ralph en reculant, je ne suis pas bon juge en matière de ressemblance. Est-il bien fini ? — Mais oui, répondit miss la Creevy en l’examinant, le bout de son pinceau dans sa bouche ; encore deux semaines… — Prenez-les vite, Madame, après-demain elle n’aura pas de temps à perdre à des futilités. Travaillez, Madame ; il faut que nous travaillions tous. — Avez-vous loué votre appartement, Madame ? — Je n’ai pas encore mis l’écriteau. — Mettez-le, Madame ; elles n’auront pas besoin de ce logement passé cette semaine, et si elles en ont besoin, elles ne pourront le payer. — Maintenant, ma chère, si vous êtes prête, ne perdons pas de temps.

D’un air de bonté qui lui allait encore plus mal que son allure ordinaire, M. Ralph Nickleby fit signe à la jeune fille de marcher devant, salua gravement miss la Creevy, ferma la porte, et entra chez madame Nickleby, qui le reçut avec de nombreux témoignages de respect. Ralph y coupa court assez brusquement par un geste d’impatience, et entama le sujet de sa visite.

— J’ai trouvé une place pour votre fille, Madame. — Bien, répondit madame Nickleby — Je dirai maintenant que c’est juste tout ce que j’attendais de vous. Comptez là-dessus, disais-je à Catherine pas plus tard qu’hier à déjeuner, votre oncle, après avoir établi Nicolas d’une manière aussi expéditive, ne vous abandonnera que lorsqu’il en aura fait autant pour vous. Catherine, ma chère, pourquoi ne remerciez-vous pas votre ?… — Laissez-moi continuer, Madame, je vous prie, dit Ralph interrompant sa belle-sœur au milieu de cette période. — Catherine, dit madame Nickleby, laissez continuer votre oncle.

Ralph, voyant qu’il s’était assuré de la mère dans le cas où la fille repousserait sa proposition, reprit : — Je suis parvenu, Madame, à obtenir une place chez… chez une modiste et couturière. — Une modiste ! s’écria madame Nickleby. — Modiste et couturière, Madame. Les couturières à Londres, comme je n’ai pas besoin de le rappeler à une personne aussi instruite que vous du train ordinaire de la vie, les couturières à Londres, Madame, font fortune, ont équipage, et deviennent immensément riches.