Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/140

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vrant la porte, passa la tête et la retira avec la même vivacité en voyant du monde.

« Ici donc, holà ! cria Ralph : qui est-ce qui est là ? » À ce son de voix, qui lui était bien connu, la tête reparut, et la bouche de cette tête faisait voir une longue rangée de dents d’une grande blancheur, prononça sur un ton doucereux ces mots : « Diavolo ! Tiens ! Nickleby ! » Après cette première explosion de ces sentiments, le gentleman s’avança et vint donner à Ralph une poignée de main avec beaucoup d’empressement. Il portait une robe de chambre splendide, un gilet et un pantalon à la hussarde du même dessin ; un mouchoir de soie lilas, des pantoufles d’un vert éclatant, et une chaîne de montre assez longue pour faire le tour de sa taille. Son costume se complétait d’une paire de favoris et de moustaches teints en noir et frisés avec élégance.

« Sapristi ! j’espère que ce n’est pas à moi que s’adresse votre visite, dit le gentleman en donnant une tape sur l’épaule de Ralph.

— Non, pas encore, dit l’autre d’un air sarcastique.

— Ah ! ah ! sapristi ! Et le gentleman, en tournant sur ses talons pour rire avec plus de grâce, se trouva face à face avec Catherine Nickleby, qui était là près de son oncle.

— Ma nièce, dit Ralph.

— Ah ! oui, je me rappelle, dit le gentleman se donnant sur le nez une chiquenaude, comme pour se punir de son défaut de mémoire. Sapristi ! je me rappelle l’objet de votre visite. Venez par ici, Nickleby ; et vous, ma belle demoiselle, voulez-vous me suivre ? Elles me suivent toutes, Nickleby. Ah ! ah ! ah ! elles n’y manquent jamais, sapristi ! »

Tout en donnant ainsi carrière à son imagination folâtre, le gentleman les conduisit à un petit salon particulier au second étage. Il n’était guère moins richement meublé que l’autre ; seulement la présence d’une cafetière d’argent, d’une coquille d’œuf et d’une tasse de porcelaine presque vide, semblait annoncer que le gentleman venait d’y faire son déjeuner.

« Asseyez-vous, ma chère, dit-il à miss Nickleby en la déconcertant tout d’abord par la hardiesse de son regard, puis après par une grimace de satisfaction peu rassurante. Pour arriver à ce maudit étage, il faut se mettre tout hors d’haleine. C’est comme un infernal vestibule du firmament. J’ai peur d’être obligé de déménager, Nickleby.

— Je l’espère bien, répliqua Ralph le regardant d’un air presque menaçant.