Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/179

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sont délabrés, crevassés, noircis par la fumée. Çà et là on en voit une file plus haute que les autres, s’inclinant de tout son poids sur un côté et penchant sur le toit ses ruines menaçantes, comme prête à tirer vengeance de l’abandon où on la laisse depuis un demi-siècle, en écrasant dans sa chute les locataires des greniers au-dessous.

Des volailles qui vont à la picorée dans les ruisseaux, balançant leur corps de droite à gauche avec une démarche qu’on ne trouve que chez les volailles citadines, et que les coqs ou les poules de la campagne auraient bien de la peine à comprendre, n’en sont que mieux en harmonie avec les habitations caduques de leurs propriétaires. Vous les voyez avec leur plumage poudreux et bourru, leur air endormi, leur marche tremblotante, lâchées le matin par leurs maîtres, comme un grand nombre d’enfants du voisinage, pour gagner leur vie dans les rues, où elles sautillent de pavé en pavé, ardentes à la recherche de quelques comestibles enterrés dans la boue. C’est à peine si on les entend chanter jamais. La seule à laquelle on puisse soupçonner quelque chose comme une voix, c’est un vieux bantam du boulanger d’à côté, encore est-il devenu enroué pour avoir été trop mal nourri et mal logé dans sa dernière place.

À en juger par la hauteur des maisons, elles ont dût être dans le temps occupées par des personnes d’une condition plus heureuse que les habitants d’aujourd’hui ; mais à présent elle sont louées à la semaine, par chambre ou par étage, et il y a, à chaque porte, presque autant de plaques et de cordons de sonnette qu’il y a de pièces à l’intérieur : les fenêtres sont, pour la même raison, d’aspect très varié, ornées de tous les échantillons de châssis et de rideaux qu’on peut trouver dans Londres, pendant que tous les corridors sont encombrés et presque impraticables, grâce à la collection la plus bigarrée d’enfants et de pots à bière, depuis le petit enfant de lait et la demi-pinte, jusqu’à la jeune fille déjà grandelette et la cruche d’une demi-velte.

Dans le parloir d’une de ces maisons, peut-être un peu plus sale que toutes celles du voisinage, véritable bazar de cordons de sonnette, d’enfants et de pots à bière, gratifiée plus que toute autre du parfum tout frais de la fumée épaisse et noire qu’une grande brasserie vomit jour et nuit près de là, on voyait un écriteau suspendu annonçant qu’il y avait encore une chambre à louer, sans s’expliquer sur l’étage où elle était vacante. Et de fait, en regardant de la rue toutes les décorations extérieures que les divers locataires exposaient aux yeux des passants, sur le devant de la maison, depuis le linge de lessive