Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/240

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des personnes charitables et sympathiques, nous aimons mieux mettre en scène Mlle Nickleby elle-même, que de risquer de refroidir leur pitié dès le début, par une description minutieuse et prolongée de l’établissement où trônait Mme Mantalini.

« Eh bien ! vraiment, madame Mantalini, dit Mlle Knag au moment où Catherine retournait tristement chez elle, le soir même de ses débuts, cette Mlle Nickleby est une jeune personne très bien ; une jeune personne très bien, certainement. Hem ! Je vous donne ma parole, madame Mantalini, que cela fait vraiment un honneur extraordinaire à votre discernement, d’avoir trouvé une si excellente, si bien élevée…, si… hem ! si modeste jeune personne, pour m’aider à essayer les robes. J’en ai déjà vu beaucoup de ces jeunes personnes, qui ne manquaient jamais l’occasion de faire parade, devant leurs supérieures, de leur… Ah ! mon Dieu ! je leur pardonne. Mais d’ailleurs, madame Mantalini, vous faites bien tout ce que vous faites, et c’est ce que je dis souvent à ces demoiselles : Comment expliquer que madame fasse toujours tout bien, quand il y a des gens qui font presque tout mal ? C’est là vraiment pour moi un mystère.

— Mais, à l’exception d’une excellente pratique qu’elle a mise de mauvaise humeur, dit Mme Mantalini, Mlle Nickleby n’a rien fait que je sache de bien remarquable aujourd’hui.

— Oh ! sans contredit, répliqua Mlle Knag ; mais songez aussi, madame, qu’il faut faire la part de son inexpérience.

— Et de sa jeunesse, dit finement Mme Mantalini.

— Oh ! je ne l’excuse pas par là, madame Mantalini, reprit Mlle Knag rougissant jusque dans le blanc des yeux, parce que, si la jeunesse était une excuse, vous n’auriez pas…

— Une aussi excellente première demoiselle que vous, je suppose.

— Ah ! vraiment, madame Mantalini, je n’ai jamais vu personne comme vous, repartit miss Knag de l’air le plus satisfait ; la vérité est que vous devinez ce qu’on va dire avant que les mots soient seulement venus sur les lèvres. Ah ! c’est délicieux. Ah ! ah ! ah !

— Eh bien, moi, observa Mme Mantalini jetant sur sa première demoiselle un regard tout à fait insignifiant, pendant qu’elle riait à cœur joie dans sa manche, je regarde Mlle Nickleby comme la petite fille la plus gauche que j’aie jamais vue de ma vie.

— La pauvre enfant ! dit Mlle Knag, ce n’est pas sa faute, sans cela on pourrait espérer de l’en corriger ; c’est un malheur