Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/247

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— Non, il n’y en a pas du tout, mademoiselle Knag, répondit la vice-gouvernante, j’aime mieux vous le dire que de vous mentir.

— Eh bien, pourquoi n’y en a-t-il pas ?

— Parce qu’il ne reste pas de charbon ; si je pouvais en faire, du charbon, j’en ferais, mais, comme je ne puis pas, je n’en fais pas, je vous le dis franchement, mademoiselle.

— Voulez-vous bien vous taire, femelle ? dit M. Mortimer Knag, faisant une sortie violente.

— Permettez, monsieur Knag, repartit la femme de ménage en se retournant avec colère ; je ne demande pas mieux que de ne pas dire un mot dans cette maison, si ce n’est pour répondre quand on me parle ; et quant à ce qui est d’être une femelle, je voudrais bien savoir ce que vous pourriez être vous-même.

— Un vil misérable ! s’écria M. Knag, en se frappant le front ; un vil misérable.

— À la bonne heure, dit Mme Blockson, je suis bien aise de voir que vous ne vous donnez pas un faux nom ; mais, comme j’ai eu deux jumeaux, il y a eu sept semaines avant-hier, et que mon petit Charles en tombant dans le sous-sol s’est démanché le coude lundi dernier, je vous serai bien obligée de m’envoyer demain matin, avant dix heures, à la mairie, les onze francs vingt-cinq centimes que vous me devez pour ma semaine. »

Après ces paroles d’adieu, la bonne femme sortit de la chambre avec une grande aisance de manières, laissant la porte toute grande ouverte, pendant que M. Knag au même moment se précipitait dans le magasin pour y gémir à son aise.

« Qu’est-ce qu’il a donc, ce monsieur ? demanda Mme Nickleby grandement alarmée de l’entendre exprimer ainsi son chagrin.

— Serait-il malade ? demanda Catherine réellement inquiète.

— Chut, chut, répondit Mlle Knag. C’est une histoire si mélancolique ! figurez-vous qu’il était autrefois amoureusement épris de… hem !… de Mme Mantalini.

— Dieu du ciel ! s’écria Mme Nickleby.

— Oui, continua miss Knag ; il reçut même d’elle de tels encouragements, qu’il put espérer avec confiance qu’elle serait sa femme. Voyez-vous, madame Nickleby, c’est un cœur très romanesque… hem ; d’ailleurs c’est comme cela dans toute notre famille : jugez quel coup terrible ce fut pour lui, quand il dut renoncer à cet espoir. C’est un homme d’un esprit merveilleux, l’esprit le plus extraordinaire, il lit… hem… il lit tous les romans qui paraissent, je veux dire tous les romans… hem… un peu à la mode, comme vous pensez : le fait est qu’il a trouvé