Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/262

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observer Catherine, à l’œil gauche pour le braquer sur Ralph.

— C’est une surprise qu’on vous avait ménagée, lord Frédéric, dit M. Pluck.

— L’idée n’est pas mauvaise, reprit sa seigneurie ; elle vaut à elle seule deux et demi pour cent de plus.

— Nickleby, dit sir Mulberry Hawk de sa voix dure et rude, ne laissez pas tomber cette proposition et ne manquez pas de grossir d’autant les vingt-cinq pour cent, ou n’importe quoi de votre compte ; je ne demande que moitié pour ma peine. »

Sir Mulberry assaisonna cette fine plaisanterie d’un rire enroué, et finit en jurant par les membres de la famille Nickleby, serment qui provoqua chez MM. Pyke et Pluck un rire inextinguible.

Ils riaient encore, quand on annonça que madame était servie, et ce fut une occasion nouvelle de rire sans fin, car sir Mulberry Hawk, dans son transport de folle gaieté, escamota à lord Frédéric Verisopht l’honneur de donner la main à Catherine pour la conduire en bas, à la salle du festin, en passant jusqu’au coude le bras de Mlle Nickleby dans le sien.

« Non pas, ou le diable m’emporte, Verisopht, dit-il à son ami en se glissant à sa place ; il ne faut pas tricher ici. Voilà dix minutes que Mlle Nickleby et moi nous nous sommes fait des yeux cette promesse.

— Ha ! ha ! ha ! dit en riant aux éclats l’honorable M. Snobb ; charmant ! délicieux ! »

Piqué au jeu par ses succès, sir Mulberry Hawk fit à ses amis des yeux qui supposaient une foule de choses les plus facétieuses du monde, et conduisit Catherine en bas avec un air de familiarité qui soulevait dans sa poitrine de jeune fille une indignation si ardente qu’elle avait peine à ne pas la laisser éclater. Pour comble de contrariétés, elle s’aperçut, en arrivant, qu’elle occupait le haut bout de la table entre sir Mulberry Hawk et lord Frédéric.

« Oh ! vous avez trouvé moyen, à ce qu’il paraît, de venir vous établir dans notre voisinage, dit sir Mulberry à sa seigneurie, qui venait de s’asseoir près de Catherine.

— Je crois bien, répondit lord Verisopht, fixant les yeux sur Mlle Nickleby ; comment pouvez-vous me faire cette question ?

— À la bonne heure ; mais occupez-vous alors de votre dîner, dit l’autre, et point du tout de moi et de Mlle Nickleby, car je vous avertis que nous serions des interlocuteurs fort distraits.

— Nickleby, dit lord Frédéric, j’ai besoin de votre intervention ici pour rétablir mes affaires.