Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/296

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reusement les deux calculs se trouvèrent d’accord, ce qui priva encore Mme Nickleby d’une occasion de prendre la parole.

« Vous avez un bon caractère ? demanda Mme Wititterly entr’ouvrant les yeux pour les fermer encore.

— Je l’espère, madame, répondit Catherine.

— Et vous avez des répondants sûrs et respectables sur tous les points, n’est-ce pas ? »

Catherine répondit qu’elle en avait, et déposa sur la table une carte de son oncle.

« Ayez la complaisance de vous approcher un peu plus près avec votre chaise, que je vous regarde, dit Mme Wititterly : j’ai la vue si courte que je ne peux pas bien distinguer vos traits. »

Catherine fit ce qu’on lui demandait, non sans en éprouver quelque embarras, et Mme Wititterly examina sa figure à son aise d’un œil languissant ; l’examen dura au moins deux ou trois minutes.

« Votre extérieur me plaît, dit la dame en tirant une petite sonnette : Alphonse, priez votre maître de venir. »

Le page disparut pour remplir sa mission, et, après un court intervalle, pendant lequel on ne dit pas un mot des deux côtés, la porte s’ouvrit pour laisser passer un gentleman imposant de trente-huit ans environ, d’un visage un peu commun, la tête peu garnie de cheveux, qui se tint penché quelque temps par derrière, sur le fauteuil de Mme Wititterly, échangeant avec elle quelques mots à voix basse.

« Oh ! dit-il en se retournant, certainement il s’agit ici d’une affaire très importante. Mme Wititterly est d’une constitution très irritable, très délicate, très fragile ; c’est une plante de serre chaude, une fleur exotique.

— Henri ! mon bon ! dit Mme Wititterly jouant l’embarras.

— Je dis la vérité, m’amour, vous le savez bien comme moi ; un souffle — et ici M. Wititterly fit comme s’il soufflait en l’air un fétu imaginaire, — un simple souffle, phu ! et vous voilà partie ! »

La dame soupira.

« Votre corps est trop étroit pour votre âme, dit M. Wititterly ; la lame use le fourreau ; tous les médecins en conviennent. Vous savez qu’il n’en est pas un qui ne tienne à l’honneur d’être appelé près de vous pour observer votre mal ; eh bien, quelle est, après tout, leur déclaration unanime ? « Mon cher docteur, disais-je à sir Thomas Snuffim, dans ce salon même, lors de sa dernière visite ; mon cher docteur, quelle est la maladie de ma femme ?