Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans le tumulte des sentiments qui l’agitaient ; j’ai un frère qui vous le fera payer cher un jour.

— Ma parole d’honneur, s’écria sir Mulberry comme s’il s’entretenait tranquillement avec lui-même, tout en passant son bras autour de la taille de sa belle ennemie, elle n’en est que mille fois plus charmante, et je la trouve mieux comme cela que lorsqu’elle a les yeux baissés, ou que ses traits sont dans un calme parfait. »

Catherine arrive enfin, elle ne sait comment, aux couloirs où l’attendait la compagnie, poursuit sa route sans regarder personne, se dégage brusquement de son cavalier, se précipite dans la voiture, se jette dans le coin le plus sombre, et fond en larmes.

MM. Pyke et Pluck, qui savaient bien leur métier, mirent la société en révolution à force de crier à tue-tête pour demander des voitures, et de faire des querelles d’Allemand à de pauvres gens bien inoffensifs qui attendaient à la porte. Ils profitèrent de ce tumulte habile pour planter dans son coupé Mme Nickleby tout effrayée, puis, après s’en être débarrassés, ce fut le tour de Mme Wititterly, qu’ils jetèrent exprès dans un état de frayeur et d’égarement causé par tout ce vacarme, pour qu’elle ne fît pas attention aux larmes de sa demoiselle de compagnie. Enfin, les voitures étant parties avec leur précieux fardeau, les quatre honorables, restés seuls sous le portique, se mirent à rire ensemble et s’en donnèrent à cœur-joie.

« Là ! dit sir Mulberry en se tournant vers le noble lord, ne vous avais-je pas bien dit hier au soir que, si nous pouvions savoir d’un de leurs domestiques, en lui faisant donner quelque argent par ce brave camarade, où ils devaient aller passer la soirée, et nous établir nous-mêmes près d’eux avec la mère, ces gens-là ne nous résisteraient pas longtemps ? eh bien ! vous voyez, ç’a été l’affaire de vingt-quatre heures.

— Ou…i, répondit la dupe ; mais, avec tout cela, j’ai été, moi, condamné à la société de la vieille femme toute la soirée.

— Vous l’entendez ! dit sir Mulberry se retournant vers ses deux acolytes, vous l’entendez ; il n’est jamais content, il grogne toujours. N’y a-t-il pas de quoi vous faire renoncer à jamais un homme à se mêler de servir ses intérêts ? N’y a-t-il pas de quoi vous faire damner ? »

Pyke demanda à Pluck s’il n’y avait pas de quoi faire damner, et Pluck fit la même question à Pyke ; tous deux s’abstinrent de répondre.