Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/90

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maison une île si cela lui fait plaisir ; il n’y a pas de loi du Parlement qui l’en empêche, que je crois.

— Je ne crois pas non plus, monsieur, » dit Nicolas.

Squeers jeta un regard de côté sur son compagnon à la fin de ce petit dialogue, et, voyant qu’il était devenu pensif et ne paraissait nullement disposé à renouer la conversation, s’en vengea sur son poney, qu’il roua de coups de fouet jusqu’au bout du voyage.

« Sautez à bas, dit Squeers. Holà, ici ! qu’on vienne prendre le cheval et le mettre à l’écurie. Qu’on se dépêche, s’il vous plaît. »

Pendant que le maître de pension poussait ainsi des cris d’impatience, Nicolas eut le temps d’observer que son Hall se composait d’une maison longue, assez triste, bâtie seulement à un étage, avec quelques misérables constructions sur le derrière, une grange et une écurie y attenantes. Une minute ou deux après, on entendit quelqu’un débarrer la porte, et on vit apparaître un grand garçon bien maigre, une lanterne à la main.

« Est-ce vous, Smike ? cria Squeers.

— Oui, monsieur.

— Alors, pourquoi diable n’êtes-vous pas venu plus tôt ?

— Pardon, monsieur, c’est que je m’étais endormi auprès du feu, dit humblement Smike.

— Du feu ! quel feu ! où y a-t-il du feu ? demanda le maître de pension avec aigreur.

— C’est seulement à la cuisine, monsieur, répliqua l’autre. Madame m’a dit que, comme je veillais, je pouvais y aller me chauffer.

— Votre maîtresse ne sait ce qu’elle dit, repartit Squeers. Vous auriez été diantrement plus exact à veiller au froid, j’en réponds. »

Pendant ce temps-là, M. Squeers avait mis pied à terre, et, après avoir donné l’ordre à son garçon de dételer et de rentrer le cheval, en lui recommandant bien de ne plus lui donner d’avoine jusqu’à demain, il dit à Nicolas d’attendre un moment à la porte, pendant qu’il allait faire un tour dans la maison pour l’introduire.

La foule de mécomptes assez désagréables que Nicolas avait eu à subir dans le cours du voyage vint assaillir alors son esprit avec bien plus de force, quand il se vit seul. L’éloignement considérable où il était de sa famille, et l’impossibilité absolue d’y retourner autrement qu’à pied, quelque envie qu’il en eût, se présentèrent à son esprit sous les plus tristes couleurs ; et, en