Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/192

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maître d’école. C’est ce qu’il vous faut, qu’on ne regarde pas de trop près à des gens de votre trempe. Voyons, où est-ce que vous allez maintenant ? Surtout ne me marchez pas sur les pieds, dites donc. »

En effet, Squeers s’avançait pour s’emparer de Smike ; mais John, qui ne badinait pas, lui avait allongé dans la poitrine un coup de coude si habilement dirigé, que l’instituteur chancelant tourna sur ses talons et se renversa sur Ralph Nickleby. Dans ses efforts impuissants pour reprendre son équilibre, il le poussa sur sa chaise et tomba sur lui lourdement.

Cette circonstance accidentelle devint le signal d’une attaque décisive. Au milieu d’un grand tapage, occasionné par les prières et les supplications de Smike, les cris et les exclamations des femmes, l’altercation véhémente des hommes, les nouveaux venus firent mine d’enlever l’enfant prodigue de vive force ; déjà même Squeers était en effet parvenu à mettre sur lui la main pour l’entraîner dehors, lorsque Nicolas, jusque-là irrésolu, se décida enfin, saisit notre homme par le collet, et le secouant de manière que toutes les dents lui branlaient dans la tête, le conduisit ainsi poliment jusqu’à la porte de la chambre, qu’il ferma sur lui après l’avoir jeté dans le corridor.

« À présent, dit Nicolas aux deux autres, ayez, s’il vous plaît, la complaisance de suivre votre ami.

— Je veux mon fils, dit Snawley.

— Votre fils, répliqua Nicolas, est libre dans son choix. Il veut rester, qu’il reste.

— Vous ne voulez pas me le donner ? dit Snawley.

— Non, je ne vous le donnerais pas malgré lui, pour en faire la victime des brutalités auxquelles vous voulez l’abandonner, quand ce ne serait qu’un chien ou un chat.

— Prenez un chandelier pour frapper ce misérable Nickleby et le jeter par terre, criait Squeers par le trou de la serrure, et surtout n’oubliez pas de m’apporter mon chapeau, quelqu’un de vous, si vous ne voulez pas qu’il me le vole.

— Je suis désolée, assurément, disait Mme Nickleby qui était restée tout ce temps-là dans un coin avec Mme Browdie à pleurer et à se mordre les doigts, pendant que Catherine, pâle, mais calme, s’était tenue le plus près possible de son frère, je suis désolée de tout ceci. Je ne vois pas quel parti prendre, je vous assure. Nicolas doit savoir ce qu’il a à faire, et je m’en rapporte à lui. Mais vraiment c’est aussi une terrible responsabilité à prendre que de garder les enfants des autres : quoique je sois obligée de convenir que le jeune M. Snawley est certaine-