Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/247

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rapports de famille. Il faudrait que je regardasse dans quelques vieilles lettres que j’ai là-haut, pour savoir si ce n’était pas mon grand-père qui a été camarade de classes du revenant de Cock-Lane, ou si ce n’est pas plus tôt ma grand’mère qui a été en pension avec la femme altérée de Tutbury. Vous connaissez bien cette histoire, miss la Creevy ? Quel était donc celui des deux qui ne faisait aucune attention à ce que disait M. le curé ? Était-ce le revenant de Cock-Lane, ou la femme altérée de Tutbury ?

— Je crois que c’est le revenant de Cock-Lane.

— Eh bien ! maintenant je n’ai plus aucun doute, dit Mme Nickleby, c’était lui qui était le camarade de classes de mon grand-père, car je me rappelle que le maître d’école était un dissident, et cela expliquerait, en grande partie, la conduite inconvenante du revenant de Cock-Lane envers le ministre quand il fut devenu grand. Ah ! ciel ! élever un revenant !… Je vous disais donc, ma fille… »

Où l’auraient menée, Dieu le sait, ses réflexions sur ce thème sans but et sans fin, si heureusement l’arrivée de Tim Linkinwater avec M. Frank Cheeryble n’était pas venue y mettre un terme. Mais la bonne dame mit tant d’empressement à les recevoir, qu’elle en perdit de vue tout autre intérêt.

« Que je suis donc fâchée que Nicolas ne soit pas à la maison ! dit-elle. Catherine, ma chère, vous ne risquez rien de vous multiplier ; il faut que vous comptiez pour deux, pour Nicolas et pour vous-même.

— Mlle Nickleby n’a pas besoin, ce me semble, d’être autre chose qu’elle-même. Pour moi, si vous voulez bien le permettre, je m’oppose tout à fait à ce qu’elle y change rien.

— Dans tous les cas, c’est à elle à vous retenir, repartit Mme Nickleby. M. Linkinwater parle de s’en aller dans dix minutes, mais je ne peux pas vous laisser partir sitôt. Nicolas m’en voudrait bien fort, j’en suis sûre. Ma chère Catherine… »

Elle acheva la phrase à Catherine par une foule de signes de tête, de froncements de sourcils, de clignements d’œil assez peu intelligibles, que sa fille interpréta comme autant d’invitations à faire des instances auprès des visiteurs pour qu’ils prolongeassent leur visite. Et Catherine, en fille bien apprise, n’y manqua pas. Cependant, il est à remarquer que c’est à Tim Linkinwater seulement que s’adressèrent ses prières ; et ses manières trahissaient un certain embarras qui ne lui ôtait rien de sa grâce accoutumée, qui ajoutait plutôt à ses charmes en colorant ses joues, mais auquel l’œil même de Mme Nickleby ne pouvait pas