Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/271

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Cependant les deux seconds, car nous pouvons maintenant leur donner ce titre, après avoir eu chacun une longue conférence à part avec celui qui les avait choisis pour témoins, se réunirent dans une autre pièce. C’étaient deux hommes sans âmes, de vrais roués, tous deux initiés au monde et à ses vices les plus corrompus, tous deux des paniers percés, tous deux en interdiction de biens pour dettes, tous deux se faisant honneur de ces turpitudes auxquelles la société sait trouver des noms élégants et des excuses de convention dans son indulgence dépravée. C’était donc par conséquent deux de ces gentlemen connus dans le monde pour être très chatouilleux sur leur honneur personnel et très pointilleux à l’endroit de l’honneur des autres.

Ils se trouvaient l’un et l’autre d’une humeur plus vive et plus gaie que jamais, car il était à peu près sûr qu’une affaire comme cela ferait du bruit, et elle ne pouvait manquer de donner un nouveau relief à leur réputation.

« Voilà un cas qui se présente assez mal, Adams, dit M. Westwood en se redressant.

— C’est vrai, répondit le capitaine ; il y a eu un soufflet de donné, et par conséquent, je ne vois plus rien à faire qu’une affaire.

— Pas d’excuses, je suppose ?

— Pas la moindre de notre côté, quand on perdrait son temps à en demander jusqu’à la fin du monde. Il paraît que le fond de la querelle, c’est quelque chose comme une petite fille sur le compte de laquelle sir Mulberry a tenu des propos qui ont blessé lord Frédérick. Mais il s’y est joint à la suite une longue récrimination sur une foule d’autres contrariétés et de sujets de reproches réciproques. Sir Mulberry a employé le sarcasme : lord Frédérick était monté, et l’a frappé dans la chaleur de la dispute, avec des circonstances qui n’ont pas diminué la gravité de la chose. Et, ma foi, à moins que sir Mulberry ne soit disposé à se rétracter complètement, lord Frédérick est prêt à tenir le soufflet pour bon.

— Alors, il n’y a plus rien à dire : il ne reste qu’à régler l’heure et le lieu du rendez-vous. C’est une responsabilité, mais il est important d’en finir. Voyez-vous de l’inconvénient à ce que ce soit au lever du soleil ?

— Diable ! dit le capitaine en regardant à sa montre. Il n’y a pas grand temps ; mais, comme il paraît que cela remonte loin, et que toute négociation serait peine perdue, j’accepte.

— Après ce qui s’est passé ici, il est possible qu’il en perce bien-