Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/428

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et pour leur mère, beaucoup moins résignée qu’eux à ces révolutions imprévues, lorsqu’un soir M. Linkinwater arrive chargé par les frères d’une invitation à dîner, pour le surlendemain. Elle n’était pas adressée seulement à Mme Nickleby, à Catherine, à Nicolas, mais elle comprenait aussi Mlle la Creevy, dont le nom était spécifié d’une manière toute particulière.

« Ah ça ! mes chers amis, dit Mme Nickleby quand ils eurent reçu le message avec l’honneur qu’il méritait, et que M. Timothée fut retourné chez les frères, qu’est-ce que vous pensez de cela ?

— Et vous, ma mère, dit en souriant Nicolas, qu’est-ce que vous en pensez vous-même ?

— Mon cher fils, je vous le répète, reprit-elle avec un air de mystère impénétrable, qu’est-ce que signifie cette invitation à dîner ? quelle en est l’intention et le but ?

— Moi, dit Nicolas, j’ai grande envie de conclure de là qu’en cette circonstance ils vont nous donner à boire et à manger chez eux, et que l’intention et le but pourraient bien être de nous faire plaisir.

— Belle conclusion, ma foi !

— Ma chère mère, je n’ai pas encore pu en tirer de plus sérieuse que celle-là.

— Eh bien ! alors, je vais vous dire une chose, continua Mme Nickleby. Si cela vous étonne, voilà tout. Je vous dirai donc que ce dîner là sera suivi de quelque chose.

— D’un thé, peut-être, ou d’un souper, reprit Nicolas.

— Vous feriez bien, mon cher, de ne pas dire des absurdités, répliqua Mme Nickleby avec dignité. Cela n’est jamais bienséant, mais ça vous va moins qu’à personne. Ce que je veux dire, c’est que les MM. Cheeryble ne nous inviteraient pas avec tant de cérémonie à dîner, si ce n’était pas pour quelque chose. N’ayez pas peur, vous verrez. Je sais bien qu’il suffit que je dise quelque chose pour que vous ne vouliez pas le croire. Attendez, je ne vous dis que cela : je ne peux pas mieux dire pour tout le monde ; c’est le moyen d’éviter toute discussion. Seulement, rappelez-vous bien ce que je vous dis, et n’allez pas dire après que je ne l’avais pas dit. »

Après avoir ainsi bien stipulé son droit, Mme Nickleby, qui ne cessait pas d’avoir l’esprit troublé jour et nuit par l’apparition d’un exprès venant à bride abattue annoncer à Nicolas de la part des frères, qu’ils l’avaient enfin associé à leur maison, abandonna ce sujet pour passer à un autre.

« C’est une chose bien extraordinaire, ajouta-t-elle, bien ex-