Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/46

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— Frère Ned, il vaudrait peut-être mieux demander quelque chose, reprit l’autre avec douceur, ce serait un moyen de leur faire conserver des habitudes d’économie, voyez-vous, et aussi de ne point les accabler du poids d’une reconnaissance excessive pour les obligations qu’ils croiront nous devoir. Nous pourrions mettre le loyer à quatre ou cinq cents francs, et, s’il nous était payé exactement, nous le capitaliserions de manière ou d’autre à leur profit. Je pourrais même en secret faire, à titre de prêt, une petite avance de fonds pour leur procurer un mobilier : et vous, frère Ned, vous en feriez peut-être autant de votre côté ; et si nous sommes contents d’eux, comme je l’espère, n’ayez pas peur, nous changerons le prêt en pur don, mais doucement, frère Ned, petit à petit, pour ne pas les humilier ; eh bien, qu’en dites-vous, frère ? »

Frère Ned n’eut garde de contredire d’aussi bonnes raisons ; au contraire, il eût regretté plutôt de ne pas les avoir trouvées lui-même. En moins de huit jours, Nicolas fut installé dans sa place, et Mme Nickleby avec Catherine dans leur petite maison ; que d’espérance, de mouvement, de contentement en une semaine !

Mais celle qui suivit ne fut pas moins heureuse dans le cottage ; ce fut une semaine de découvertes et de surprise ; tous les soirs, au retour de Nicolas, on avait trouvé quelque chose de nouveau. Aujourd’hui c’était un pied de chasselas, demain une marmite. Une autre fois, c’était la clef du parloir sur le devant qu’on avait repêchée au fond de la fontaine, et ainsi de suite tous les jours. Après cela, cette chambre-ci fut embellie de rideaux de mousseline ; celle-là devint presque élégante, grâce à une jalousie nouvelle ; enfin on n’aurait jamais cru possible auparavant, disait-on, d’en faire quelque chose de si joli. Ce n’est pas le tout, et miss la Creevy donc, qui était venue en omnibus passer un jour ou deux à les aider, et qui était toujours à courir après un petit paquet de papier gris, dans lequel elle avait apporté des pointes, pour les clouer avec un grand marteau, les manches retroussées jusqu’au coude, trottant partout, trébuchant à chaque marche, culbutant dans les escaliers, et se frottant la place ; et Mme Nickleby qui faisait beaucoup de bruit et peu de besogne ; et Catherine qui s’occupait sans bruit partout et s’émerveillait de toute chose ; et Smike qui entretenait le jardin à ravir, et Nicolas qui aidait et encourageait tout son monde ; enfin la paix, la joie du bonheur domestique revenues au logis, avec cette saveur piquante que communique aux plaisirs simples, et ces délices que peut seul donner à la