Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/103

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l’air intéressant ou non, il avait, dès l’entrée, pris le parti de contredire son ami. Quand M. Brownlow lui avoua qu’il ne pouvait répondre d’une manière satisfaisante à aucune de ses questions, parce qu’il avait remis à interroger Olivier sur son histoire jusqu’au moment où il serait assez bien rétabli pour supporter cet examen, M. Grimwig prit un air narquois et malin, et demanda avec ironie si la ménagère avait l’habitude de compter l’argenterie le soir, parce que, si un beau jour elle ne trouvait pas une ou deux cuillers de moins, il en mangerait plutôt sa… etc.

M. Brownlow, bien que d’un caractère très vif, supporta tout cela avec beaucoup de gaieté, car il connaissait à fond les bizarreries de son ami.

De son côté, M. Grimwig eut la complaisance de trouver les muffins excellents, et tout se passa doucement. Olivier, qui prenait le thé avec les deux amis, commença à se trouver plus à l’aise en présence du terrible vieux monsieur.

« Et à quand le récit complet, détaillé et véridique, de la vie et des aventures d’Olivier Twist ? » demanda M. Grimwig à M. Brownlow après le thé.

En même temps il jetait sur Olivier un regard de côté.

« Demain matin, répondit M. Brownlow. Je préfère que cela se passe dans le tête-à-tête. Vous viendrez dans mon cabinet demain matin à dix heures, mon ami.

— Oui, monsieur, dit Olivier. »

Il répondit avec un peu d’hésitation, parce qu’il était intimidé en voyant M. Grimwig le regarder fixement.

« Voulez-vous que je vous dise ? dit tout bas celui-ci à M. Brownlow ; il ne viendra pas demain matin, je l’ai vu hésiter ; vous êtes floué, mon cher ami.

— Je jurerais bien que non, répondit M. Brownlow avec chaleur.

— Si vous ne l’êtes pas, dit M. Grimwig, J’en mangerais… »

Et il frappa de sa canne le plancher.

« Je jurerais sur ma vie que cet enfant est sincère, dit M. Brownlow en donnant un coup sur la table.

— Et moi sur ma tête qu’il est un fripon, répliqua M. Grimwig en frappant aussi du poing sur la table.

— Nous verrons, dit M. Brownlow en réprimant un mouvement de colère.

— Oui, nous verrons, repartit M. Grimwig avec un sourire ironique, nous verrons bien. »