Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/11

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quoi qu’il en soit, ce jour-là il avait neuf ans, et il était dans la cave au charbon avec deux de ses petits compagnons, qui, après avoir partagé avec lui une volée de coups, avaient été enfermés pour avoir eu l’audace de se plaindre de ce qu’ils avaient faim. Tout à coup Mme Mann, l’excellente directrice de la maison, fut surprise par l’apparition imprévue du bedeau M. Bumble, qui tâchait d’ouvrir la porte du jardin.

« Bonté divine ! est-ce vous, monsieur Bumble ? dit Mme Mann, mettant la tête à la fenêtre, en simulant une grande joie. Suzanne, faites monter Olivier et les deux petits garnements, et débarbouillez-les bien vite. Mon Dieu, que je suis heureuse de vous voir, monsieur Bumble ! »

M. Bumble était gros et irritable ; aussi, au lieu de répondre poliment à cet accueil affectueux, se mit-il à secouer de toute sa force le petit loquet, et à donner dans la porte un coup de pied, mais un vrai coup de pied de bedeau.

« Là ! est-il possible ? dit Mme Mann courant ouvrir la porte ; pendant ce temps on avait rendu la liberté aux enfants. Comment ai-je pu oublier que la porte était fermée en dedans, à cause de ces chers enfants ? Veuillez entrer, monsieur, veuillez entrer, je vous prie, monsieur Bumble. »

Quoique cette invitation fût faite avec une courtoisie qui aurait adouci le cœur d’un marguillier, elle ne toucha nullement le bedeau.

« Est-ce que vous trouvez respectueux et convenable, madame Mann, demanda M. Bumble en serrant fortement sa canne, de faire attendre les fonctionnaires de la paroisse à la porte de votre jardin, quand ils viennent remplir leurs fonctions paroissiales et visiter les enfants de la paroisse ? Est-ce que vous oubliez, madame Mann, que vous êtes pour ainsi dire déléguée de la paroisse et stipendiée par elle ? »

— Oh non ! monsieur Bumble, répondit Mme Mann bien humblement ; mais j’étais allée dire à un ou deux de ces chers enfants qui vous aiment tant, que c’était vous qui veniez, monsieur Bumble. »

M. Bumble avait une haute idée de son talent oratoire et de son importance ; il avait fait parade de l’un et sauvegardé l’autre : il se calma.

« C’est bon, c’est bon, madame Mann, répondit-il d’un ton plus calme ; c’est possible, c’est possible ; entrons, madame Mann ; je viens pour affaires ; j’ai à vous parler. »

Madame Mann introduisit le bedeau dans une petite pièce, pavée