Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/137

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observations en affirmant que, pendant quarante-deux mortelles journées de travail forcé, il n’avait pas avalé une goutte de n’importe quoi, et qu’il consentait à être empalé, s’il n’avait pas le gosier aussi sec qu’un four à chaux.

« Olivier, demanda le juif, tandis que les jeunes filous mettaient sur la table une bouteille d’eau-de-vie, d’où penses-tu qu’arrive monsieur ?

— Je… ne sais pas, monsieur, répondit l’enfant.

— Qu’est-ce que c’est que celui-là ? demanda Tom Chitling en jetant sur Olivier un regard de dédain.

— Un de mes jeunes amis, mon cher, répliqua le juif.

— Eh bien ! il a de la chance, dit le jeune homme en regardant Fagin d’un air d’intelligence ; ne t’inquiète pas de savoir d’où je viens, mon garçon. Tu prendras assez vite le même chemin, j’en gagerais bien un écu. »

Les jeunes voleurs rirent de cette saillie, et, après quelques plaisanteries sur le même sujet, ils échangèrent avec Fagin quelques mots à voix basse, et quittèrent la chambre.

Après avoir causé un instant tête à tête, le nouveau venu et Fagin allèrent s’asseoir auprès du feu. Le juif dit à Olivier de venir prendre place près de lui, et fit tomber la conversation sur les sujets les plus propres à intéresser ses auditeurs. Il s’étendit sur les grands avantages du métier, sur l’habileté du Matois, la bonne humeur de Charlot Bates et la libéralité de lui, Fagin. Quand il eut épuisé tous ces sujets, comme M. Chitling tombait de fatigue (effet ordinaire d’un séjour de quelques semaines à la maison de correction), miss Betty se retira, et la société se sépara pour aller dormir.

À partir de ce jour, Olivier ne resta presque jamais seul ; il fut continuellement en rapport avec les deux jeunes filous, qui jouaient chaque matin avec le juif à leur jeu favori ; était-ce pour les rendre plus adroits, ou pour former peu à peu Olivier ? à cela M. Fagin eût pu répondre mieux que personne. Parfois le vieux scélérat leur contait des histoires d’escroquerie de sa jeunesse, d’une manière si plaisante et si originale, qu’Olivier ne pouvait s’empêcher de rire de tout son cœur, et de montrer qu’en dépit de la délicatesse de ses sentiments, il prenait plaisir à ces récits.

En un mot, le vieux misérable tenait l’enfant dans ses filets ; après l’avoir amené, par la solitude et la tristesse, à préférer une société quelconque à l’isolement dans cet affreux séjour,