Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/146

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saire de lui infliger, à condition, bien entendu, que les assertions de M. Sikes, à son retour, seraient confirmés, dans tous les détails importants, par le témoignage du séduisant Tobie Crackit.

Quand on fut d’accord sur tous les points, M. Sikes se mit à boire de l’eau-de-vie à plein verre et à brandir sa pince d’une manière peu rassurante, en chantant à tue-tête, ou en proférant d’affreuses imprécations. Enfin, dans un accès d’enthousiasme pour son métier, il voulut examiner sa boite à outils ; il ne l’eut pas plutôt ouverte, pour expliquer l’usage et l’emploi des divers instruments d’effraction qu’elle contenait, et vanter le mérite de leur fabrication, qu’il tomba sur le plancher, et s’endormit à l’endroit où il était tombé.

« Bonsoir, Nancy, dit le juif, en s’affublant de sa grande redingote.

— Bonsoir. »

Leurs yeux se rencontrèrent, et Fagin lança à la jeune fille un regard pénétrant et scrutateur. Elle ne broncha pas ; le juif allongea sournoisement en passant un coup de pied à l’ivrogne étendu sur le plancher, et descendit l’escalier à tâtons.

« Toujours la même chose, marmottait le juif entre ses dents en prenant le chemin de sa demeure. Ce qu’il y a de pis chez ces femmes, c’est qu’un rien leur rappelle un sentiment oublié depuis longtemps ; mais ce qu’il y a de bon, c’est que cela ne dure pas. Ha ! ha ! l’homme contre l’enfant, pour un sac d’or ! »

Tout en trompant l’ennui de la route par ces agréables réflexions, M. Fagin regagna son obscure tanière, où le Matois était encore sur pied, attendant avec impatience le retour de son maître.

« Olivier est-il couché ? j’ai à lui parler, fut la première phrase du juif en descendant l’escalier.

— Il y a longtemps, répondit le Matois en ouvrant une porte. Le voici. »

L’enfant, profondément endormi, reposait sur un matelas grossier étendu sur le plancher. L’inquiétude, la tristesse, l’ennui de la captivité, l’avaient rendu pâle comme la mort, non telle qu’elle se montre à nous sous le linceul et dans le cercueil, mais telle qu’elle s’offre à nos yeux au moment où la vie vient de s’éteindre ; quand une âme jeune et pure vient de s’envoler vers le ciel, et que l’air grossier de ce monde n’a pas