Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/213

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Elle n’avait pas plus de dix-sept ans ; sa taille était si svelte et si gracieuse, ses traits si beaux et si purs, l’expression de son visage si douce et si suave, qu’il ne semblait pas que la terre fût son élément, ni les autres femmes ses semblables. L’intelligence qui brillait dans ses yeux bleus et éclairait sa noble tête, paraissait au-dessus de son âge et même de ce monde. La douceur et la gaieté se reflétaient tour à tour sur son visage ; le sourire, le joyeux sourire du bonheur, s’y peignait aussi ; et à tous ces charmes elle joignait un cœur animé des sentiments les plus purs et les plus affectueux dont notre nature soit capable.

Tandis que la vieille dame la contemplait, elle leva les yeux par hasard, rejeta gracieusement en arrière ses cheveux tressés sur son front, et il y avait dans son regard une telle expression d’affection et de tendresse naïve, qu’on ne pouvait la voir sans l’aimer.

La vieille dame sourit ; mais son cœur était plein, et tout en souriant elle laissa échapper une larme.

« Voilà plus d’une heure que Brittles est parti, n’est-ce pas ? demanda-t-elle après un moment de silence.

— Une heure douze minutes, madame, répondit M. Giles en consultant une montre d’argent suspendue à un ruban noir.

— Il ne se presse jamais, remarqua la vieille dame.

— Brittles a toujours été un garçon lent, madame, répondit le domestique ; ce qui signifiait que, Brittles ne s’étant jamais pressé depuis plus de trente ans, il y avait peu d’apparence qu’il devînt jamais expéditif.

— Loin de se corriger, il empire, à ce qu’il me semble, dit la dame.

— Il est tout à fait inexcusable s’il s’arrête pour jouer avec les autres petits garçons, » dit la jeune fille en riant.

M. Giles réfléchissait sans doute s’il devait se permettre un sourire respectueux, quand une voiture s’arrêta à la porte du jardin. Un gros monsieur en descendit précipitamment, entra sans se faire annoncer, et s’élança dans la salle à manger, où il faillit culbuter M. Giles et la table par-dessus le marché.

« Vit-on jamais chose pareille, s’écria-t-il, ma chère madame Maylie ? Est-il possible !… Et la nuit, encore ! Jamais je n’ai rien vu de pareil ! »

Tout en faisant ce compliment de condoléance, le gros monsieur tendit la main aux dames, s’assit près d’elles et s’informa de leur santé.