Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/225

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— Pourquoi ? ma belle enfant, répondit le docteur ; parce que cette histoire, examinée à leur point de vue, a plus d’un côté louche ; il ne peut prouver que ce qui est contre lui et rien de ce qui est en sa faveur. Or, ces gens-là veulent toujours savoir les si et les pourquoi, et n’admettent rien sans preuves. De son propre aveu, vous voyez que, depuis quelque temps, il vit avec des voleurs ; il a été arrêté et mené devant un commissaire de police, sous la prévention d’avoir volé un mouchoir dans la poche d’un monsieur ; il a été enlevé de force de la demeure de ce monsieur, et entraîné dans un lieu qu’il ne peut indiquer et dont il ignore complètement la situation. Puis, il est amené à Chertsey par des hommes qui semblent tenir à lui singulièrement, et qui, de gré ou de force, le font passer par une fenêtre pour dévaliser une maison ; et juste au moment où il veut donner l’alarme, ce qui eût été la seule preuve de son innocence, il reçoit un coup de pistolet, comme si tout conspirait à l’empêcher de faire une bonne action. Tout cela ne vous frappe-t-il pas ?

— C’est assez singulier, j’en conviens, dit Rose en riant de la vivacité du docteur ; mais enfin je ne vois rien là qui prouve la culpabilité de ce pauvre enfant.

— Non, sans doute, répondit le docteur. Voilà bien les femmes ! leurs beaux yeux ne voient jamais, soit en bien, soit en mal, qu’un côté de la question, et toujours celui qui s’est présenté le premier à leur esprit. »

Après avoir formulé cette maxime, le docteur, les mains dans ses poches, se remit à arpenter la chambre de long en large.

« Plus j’y réfléchis, dit-il, et plus je suis convaincu que mettre ces hommes au courant de l’histoire de l’enfant ne ferait qu’embrouiller tout et aggraver la difficulté. Je suis sûr qu’ils n’y croiraient pas, et, même en admettant que l’enfant ne fût pas condamné, la publicité donnée aux soupçons qui pèseraient sur lui serait un obstacle à vos intentions généreuses à son égard, et à votre désir de le tirer de la misère.

— Mon dieu, cher docteur, comment allons nous faire ? dit Rose. Pourquoi faut-il qu’on ait appelé ces gens-là ?

— C’est bien vrai ! s’écria Mme Maylie. Je voudrais pour tout au monde les voir loin d’ici.

— Il n’y a qu’un moyen, dit enfin M. Losberne en s’asseyant d’un air découragé ; c’est de payer d’audace. Le but que nous nous proposons est louable, c’est là notre excuse. L’enfant a beaucoup de fièvre et est hors d’état de soutenir une