Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/228

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chant les cheveux, et dans un désespoir tel, que bien des gens craignaient qu’il n’en finît avec la vie. Un jour, il arrive tout effaré au bureau de police, il a un entretien particulier avec le magistrat, lequel, après bien des paroles, sonne, mande Jacques Spyers (ce Spyers était un agent actif), et lui dit d’aller aider M. Chickweed à se saisir du voleur. « Croiriez-vous, Spyers, dit Chickweed, que je l’ai vu hier matin passer devant ma porte ? – Et pourquoi ne l’avez-vous pas pris au collet ? dit Spyers. – J’étais si saisi, que je crois qu’on aurait pu m’assommer avec un cure-dent, répondit le pauvre homme ; mais, nous le tenons, car je l’ai encore vu passer le soir entre dix et onze heures. »

« Sur-le-champ, Spyers se munit d’une chemise blanche et d’un peigne, pour le cas où il serait absent deux ou trois jours ; il part, il va se poster à une des fenêtres de la taverne, derrière un petit rideau rouge, le chapeau sur la tête, et prêt à s’élancer en un clin d’œil sur le voleur. Il était là, le soir, sur le tard, à fumer sa pipe, quand tout à coup Chickweed s’écrie : « Le voilà ! au voleur ! à l’assassin ! » Jacques Spyers se précipite dehors et voit Chickweed courir à toutes jambes en criant à tue-tête. Il le suit, la foule s’amasse, tout le monde crie : « Au voleur ! » et Chickweed de courir toujours en criant comme un possédé. Spyers le perd de vue un instant au détour d’une rue ; il le rejoint, voit un groupe, s’y jette en s’écriant : « Où est le voleur ? – Morbleu ! dit Chickweed, il m’a encore échappé. »

« Une chose digne de remarque, c’est qu’on ne put le trouver nulle part, et on s’en revint à la taverne. Le lendemain matin, Spyers se remet à son poste, derrière le rideau, guettant au passage l’homme de six pieds, avec un emplâtre noir sur l’œil ; à force de regarder il en eut la vue trouble, et au moment où il se frottait les yeux, voilà Chickweed qui recommence à crier : « Au voleur ! » et qui part à toutes jambes : Spyers s’élance derrière lui, fait deux fois plus de chemin que la veille, et du voleur point de nouvelles. Une fois ou deux encore, pareille scène se renouvela. Dans le voisinage, les uns disaient que c’était le diable qui avait volé Chickweed et qui venait ensuite lui faire des tours ; les autres que le pauvre Chickweed était devenu fou de chagrin.

— Et Jacques Spyers, que dit-il ? demanda le docteur, qui était rentré dès le commencement du récit.

— Pendant longtemps, reprit Blathers, Jacques Spyers ne