Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/256

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fant avait été lui-même triste et inquiet, s’était dissipée comme par enchantement. Il lui semblait maintenant que la rosée brillait avec plus d’éclat sur les feuilles, que le vent les agitait avec une harmonie plus douce, que le ciel lui-même était plus bleu et plus pur : telle est l’influence qu’exercent les pensées qui nous occupent sur l’aspect du monde extérieur ; les hommes qui, en contemplant la nature et leurs semblables, s’écrient que tout n’est que ténèbres et tristesse, n’ont pas tout à fait tort ; mais ce sombre coloris dont ils revêtent les objets n’est que le reflet de leurs yeux et de leurs cœurs également faussés par la jaunisse qui altère leurs couleurs naturelles : les véritables nuances sont délicates et veulent être vues d’un œil plus sain et plus net.

Il faut remarquer, et Olivier n’y manqua pas, que ses promenades matinales ne furent plus solitaires. Henry Maylie, du premier jour où il vit Olivier rentrer avec son gros bouquet, se prit d’une telle passion pour les fleurs et les disposa avec tant de goût, qu’il laissa loin derrière lui son jeune compagnon. Mais si, à cet égard, Olivier ne méritait que le second rang, c’était lui à son tour qui savait le mieux où les trouver, et chaque matin ils couraient les champs tous deux et rapportaient les plus belles fleurs. La fenêtre de la chambre de la jeune malade était maintenant ouverte, car elle aimait à sentir l’air pur de l’été, dont les bouffées rafraîchissantes ranimaient ses forces, et, sur le rebord de la fenêtre, il y avait toujours, dans un petit vase plein d’eau, un bouquet particulier dont les fleurs étaient soigneusement renouvelées chaque matin. Olivier ne put s’empêcher d’observer qu’on ne jetait jamais les fleurs fanées, après qu’elles étaient exactement remplacées par des fleurs plus fraîches, et que, chaque fois que le docteur entrait dans le jardin, il dirigeait invariablement ses yeux sur le vase de fleurs et secouait la tête d’un air expressif avant de commencer sa promenade du matin. Au milieu de ces observations, le temps allait son train et Rose revenait rapidement à la santé.

Olivier ne trouvait pas le temps long, bien que la jeune demoiselle ne quittât pas encore la chambre et qu’il n’y eût plus de promenades du soir, sauf quelques courtes excursions de temps à autre avec M. Maylie ; il profitait avec un redoublement de zèle des leçons du bon vieillard qui l’instruisait, et il travaillait si bien qu’il était lui-même surpris de la promptitude de ses progrès. Ce fut au milieu de ces occupations qu’il fut terrifié par un incident imprévu.