Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/275

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et défiant, et on ne pouvait le regarder sans une certaine répulsion.

Après que leurs yeux se furent rencontrés plusieurs fois de cette manière, l’étranger, d’une voix brève et dure, rompit le silence :

« Cherchiez-vous après moi, dit-il, quand vous êtes venu regarder par la fenêtre ?

— Pas, que je sache ; à moins que vous ne soyez M.… »

Ici, M. Bumble s’arrêta court, car il était curieux de connaître le nom de son interlocuteur, et il crut, dans son impatience, que celui-ci allait achever la phrase.

« Je vois que non, dit l’étranger avec un peu d’ironie ; autrement, vous auriez su mon nom ; vous ne le savez pas, et je vous engage à ne pas chercher à le savoir.

— Je ne vous voulais pas de mal, jeune homme, observa M. Bumble de son ton majestueux.

— Et vous ne m’en avez fait aucun, » dit l’étranger.

Un autre silence succéda à ce court dialogue, et ce fut encore l’étranger qui reprit la parole.

« Je crois vous avoir déjà vu, dit-il ; vous aviez alors un autre costume, et je n’ai fait que vous croiser dans la rue, mais je pourrais vous reconnaître ; vous étiez bedeau, n’est-ce-pas ?

— Oui, dit M. Bumble un peu surpris ; bedeau paroissial.

— C’est cela, reprit l’autre en secouant la tête ; c’est dans ces fonctions que je vous ai vu. Que faites-vous à présent ?

— Je suis directeur du dépôt de mendicité, répondit M. Bumble avec lenteur et en appuyant sur ses paroles, pour réprimer le ton de familiarité que semblait vouloir prendre l’inconnu. Directeur du dépôt de mendicité, jeune homme.

— Vous êtes aussi soigneux de vos intérêts que vous l’avez toujours été, je n’en doute pas ? reprit l’étranger en regardant M. Bumble dans le blanc des yeux. Ne vous gênez pas pour répondre librement, mon brave homme. Je vous connais assez bien, comme vous voyez.

— Je suppose, répondit M. Bumble en mettant sa main au-dessus de ses yeux et en considérant l’étranger de la tête aux pieds avec une inquiétude visible, je suppose qu’un homme marié n’est pas plus fâché qu’un célibataire de gagner honnêtement un penny quand il le peut. Les fonctionnaires paroissiaux ne sont pas tellement bien payés qu’ils soient en état de refuser un petit gain supplémentaire quand ils peuvent le faire d’une manière civile et convenable. »