Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/310

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sitôt avec le bon docteur. Quant à consulter un homme de loi, lors même qu’elle aurait su la marche à suivre, c’était un moyen auquel il ne fallait pas songer, pour les mêmes raisons. Un moment, l’idée lui vint de s’en ouvrir à Henry ; mais cette pensée réveilla le souvenir de leur dernière entrevue ; elle ne crut pas de sa dignité de le rappeler, puisque (et à cette pensée ses yeux se mouillèrent de larmes) il pouvait avoir appris à l’oublier et à vivre plus heureux sans elle.

Agitée par toutes ces réflexions et rejetant chaque expédient à mesure qu’il s’offrait à son esprit, Rose passa la nuit sans dormir, en proie à mille inquiétudes. Le lendemain, après avoir bien réfléchi, et ne sachant plus que faire, elle se détermina à consulter Henry.

« S’il lui est pénible de revenir ici, pensait-elle, ce sera encore bien plus pénible pour moi de l’y voir. Mais reviendra-t-il ? peut-être que non. Qui sait s’il ne se contentera pas d’écrire ? ou bien, en supposant qu’il vienne lui-même, s’il n’évitera pas de me rencontrer, comme il l’a fait quand il est parti ? Je ne l’aurais jamais cru, mais cela a peut-être mieux valu pour tous les deux. »

En ce moment, Rose laissa tomber sa plume et se détourna, comme si elle eût craint de laisser voir ses larmes à la feuille même qui allait se faire le messager fidèle de son secret.

Déjà plusieurs fois elle avait pris et déposé sa plume, fait et refait dans sa tête la première ligne de sa lettre sans en écrire un seul mot, quand Olivier, qui s’était promené dans les rues, escorté de M. Giles, entra en courant dans la chambre et tout essoufflé. Son agitation semblait présager un nouveau sujet d’alarme.

« Mon Dieu ! qu’y a-t-il ? pourquoi cet air bouleversé ? demanda Rose en s’avançant à sa rencontre.

— Je ne sais ; mais il me semble que j’étouffe, répliqua Olivier. Bon Dieu ! quand je pense que je vais enfin le revoir et que vous aurez la preuve certaine que tout ce que je vous ai dit était la vérité !

— Je n’ai jamais cru que vous m’ayez dit autre chose que la vérité, dit Rose, cherchant à le calmer. Mais encore qu’y a-t-il ? de qui voulez-vous parler ?

— Ah ! le monsieur ! vous savez… dit Olivier, articulant à peine les mots ; vous savez bien le monsieur qui a été si bon pour moi, M. Brownlow, dont nous avons si souvent parlé…

— Où l’avez-vous vu ?