Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

primaient une curiosité maligne ; on l’eût pris pour un vieux sorcier.

« Aussi, désormais je veux faire le monsieur, dit Claypole en allongeant ses jambes et en continuant une phrase dont Fagin n’avait pas entendu le commencement. Non, au diable les cercueils, Charlotte ! je veux faire le monsieur, et, si tu veux, toi, tu feras la dame.

— Ça me plairait assez, Noé, répliqua Charlotte ; mais on ne trouve pas des cassettes à vider tous les jours ni des maîtres à planter là.

— Laissons les cassettes, dit Claypole ; il y a bien d’autres choses à vider que des cassettes !

— Et quoi donc ? demanda sa compagne.

— Parbleu ! dit Claypole que la bière échauffait, et les poches donc ! et les ridicules ! et les maisons ! et les malles-poste ! et les banques !

— Mais c’est trop d’ouvrage pour toi seul, mon petit, dit Charlotte.

— Ah ! je verrai à faire connaissance avec les amateurs, répliqua Noé. Ils sauront bien nous employer de façon ou d’autre. À toi seule, tu vaux cinquante femmes. Je n’ai jamais vu une créature plus maligne et plus rusée que toi quand je te laisse faire.

— Oh ! que c’est gentil de t’entendre parler comme ça ! s’écria Charlotte en déposant un baiser sur la laide figure de son compagnon.

— Allons ! ça suffit ! Sois pas trop tendre, de peur de me fâcher, dit Noé en se dégageant de son étreinte avec dignité. Je voudrais être le chef de quelque bande, la mener un peu tambour battant et vous surveiller ça sans qu’ils s’en doutent. Ça me conviendrait assez, s’il y avait quelque chose à gagner. Si nous pouvions seulement faire la connaissance de quelques messieurs de ce genre ça vaudrait bien ce billet de vingt livres que tu as chipé, d’autant que nous ne savons pas trop comment nous en défaire. »

Après cette déclaration de son opinion, Claypole regarda dans le pot à bière d’un air malin, secoua le contenu, fit un petit signe d’amitié à Charlotte et avala une gorgée du liquide qui parut le rafraîchir beaucoup. Il songeait à en avaler une autre, quand la porte s’ouvrit subitement : un étranger entra.

Cet étranger était Fagin. Sa mine était souriante, et, en en-