Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/33

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regardant Olivier sévèrement, comme si c’était sa faute ; il n’est pas fort, il faut l’avouer ; mais il poussera, madame Sowerberry, il poussera.

— Oui, dit la femme avec humeur, grâce à notre boire et à notre manger. Qu’y a-t-il à gagner avec ces enfants de la paroisse ? Ils coûtent toujours plus qu’ils ne valent. Mais les hommes veulent n’en faire qu’à leur tête ; allons, descends, petit squelette. » À ces mots elle ouvrit une porte, poussa Olivier vers un escalier fort roide qui conduisait à une petite cave, sombre et humide, attenante au bûcher, qu’on nommait la cuisine, et où se trouvait une fille malpropre, avec des souliers éculés, et de gros bas bleus en lambeaux. « Charlotte, dit Mme Sowerberry qui avait suivi Olivier, donnez à cet enfant quelques-uns des restes qu’on a mis de côté pour Trip ; il n’est pas revenu à la maison de toute la journée, ainsi il s’en passera. Je suppose que tu ne feras pas le dégoûté, hein, petit ? »

Olivier, dont les yeux s’allumaient à l’idée de manger de la viande et qui mourait d’envie de la dévorer, répondit que non, et un plat de restes grossiers fut placé devant lui.

Je voudrais que quelque philosophe bien nourri, chez qui la bonne chère n’engendre que de la bile, de ces philanthropes au sang glacé, au cœur de fer, eût pu voir Olivier Twist se jeter sur ces restes dont le chien n’avait pas voulu, et contempler l’affreuse avidité avec laquelle il déchirait et avalait les morceaux. Il n’y a qu’une chose que je préférerais à cela ; ce serait de voir ce philosophe faire le même repas, et avec le même plaisir.

« Eh bien ! dit la femme, quand Olivier eut fini son souper, auquel elle avait assisté avec une horreur silencieuse, épouvantée de l’appétit futur de l’enfant ; as-tu fini ? »

Comme il n’y avait plus rien à avaler, Olivier répondit que oui.

« Alors, viens avec moi, » dit-elle. Elle prit une lampe sale et fumeuse et le conduisit au haut de l’escalier. « Ton lit est sous le comptoir. Tu n’as pas peur de coucher au milieu des cercueils, je suppose ? D’ailleurs, qu’importe que cela te convienne ou non ? Tu ne coucheras pas ailleurs. Arrive. Ne vas-tu pas me tenir là toute la nuit ? »

Olivier, sans perdre de temps, suivit docilement sa nouvelle maîtresse.