Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/334

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tes en toisant le corps efflanqué de Noé des pieds à la tête d’un air de profond dédain. Il est chargé, sans doute, de filer, quand les choses tournent mal, et de gober sa bonne part des régalades, quand ça va bien. C’est-y ça sa partie ?

— Ça ne vous regarde pas, répliqua Bolter. Ne prenez pas de ces libertés-là avec vos supérieurs, moutard, ou il pourrait vous en cuire ! »

Maître Bates partit d’un tel éclat de rire à cette terrible menace, que Fagin fut obligé d’attendre quelque temps avant de pouvoir s’interposer et représenter à Bolter qu’il n’y avait pas le moindre danger à visiter le bureau de police, d’autant plus que sa petite affaire n’était pas connue, et qu’on n’avait pas encore son signalement. Du diable si on irait s’imaginer qu’il fût allé là chercher un asile ! En prenant un déguisement convenable, il serait aussi en sûreté dans le bureau de police que partout ailleurs, puisque, de tous les endroits de la ville, celui-ci serait le dernier où on pût supposer qu’il allât de son plein gré.

Ces représentations, et surtout la crainte que lui inspirait le juif, persuadèrent Bolter, qui consentit à la fin d’assez mauvaise grâce à se charger de cette expédition. D’après les conseils de Fagin, il changea son costume pour celui d’un charretier, c’est-à-dire qu’il prit une blouse, une culotte de velours et des guêtres de peau, car le juif avait boutique montée. On lui donna aussi un chapeau de feutre bien garni de bulletins des barrières de péage, et on lui mit le fouet en main. Ainsi équipé, il devait entrer dans le bureau de police comme un paysan venant du marché de Covent-Garden, qui voulait satisfaire sa curiosité. Comme il était gauche, embarrassé et maigre, Fagin n’avait pas peur qu’il ne jouât pas son rôle dans la perfection.

Ces arrangements terminés, on lui donna tous les renseignements qui pouvaient lui faire reconnaître le Matois ; puis maître Bates le conduisit à travers des passages sombres et tortueux, tout près de Bowstreet. Il lui dépeignit le lieu où se trouvait le bureau de police et n’épargna pas les explications ; il lui dit d’aller tout droit dans le passage, que, dans la cour, il entrerait par la porte qui se trouvait à droite au haut des marches, et, qu’arrivé là, il ôterait son chapeau. Après quoi, Charlot lui recommanda de s’en aller seul et de faire vite, lui promettant de l’attendre en cet endroit.

Noé Claypole ou Maurice Bolter, comme il plaira au lecteur,