Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/343

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Le juif fit un signe de tête qui voulait dire qu’il approuvait ce mode de traitement.

« Quand j’étais la, étendu sur le dos, elle était nuit et jour à mon chevet ; et vous, vieux loup que vous êtes, vous ne vous êtes pas montré une fois, dit Sikes. Nous avons été bien pauvres pendant tout ce temps-là, et je pense que c’est là ce qui lui a mis la tête à l’envers ; elle est restée si longtemps enfermée, qu’il n’est pas étonnant qu’elle veuille prendre l’air, hein ?

— Sans doute, mon cher, répondit le juif à voix basse. Chut ! »

Comme il disait ces mots, la jeune fille reparut et alla s’asseoir à la même place qu’auparavant ; ses yeux étaient rouges et gonflés. Elle se mit à se balancer, à secouer la tête, et, un instant après, elle partit d’un éclat de rire.

« Allons, la voilà qui passe d’un extrême à l’autre ! » s’écria Sikes en regardant son compagnon d’un air extrêmement surpris.

Le juif lui fit signe de ne pas insister davantage, et au bout de quelques minutes, la jeune fille reprit sa contenance habituelle : après avoir dit tout bas à Sikes qu’il n’y avait pas pour elle de rechute à craindre, Fagin lui souhaita le bonsoir et prit son chapeau ; il s’arrêta sur le seuil de la porte, et regardant autour de lui, il demanda si personne ne voulait l’éclairer jusqu’au bas de l’escalier.

« Éclaire-le, dit Sikes en bourrant sa pipe. Ce serait dommage qu’il se cassât le cou lui-même au lieu de donner aux amateurs de curiosités le plaisir de le voir pendre. »

Nancy suivit le vieillard jusqu’au bas de l’escalier, une chandelle à la main. Arrivés dans le passage, celui-ci mit un doigt sur ses lèvres, se rapprocha de la jeune fille et lui dit tout bas :

« Qu’y a-t-il donc, Nancy, ma chère ?

— Que voulez-vous dire ? répondit-elle sur le même ton.

— La raison de tout ceci ? reprit Fagin ; s’il est si dur pour toi (en même temps il montrait de son doigt ridé le haut de l’escalier), car c’est une brute, Nancy, une bête brute… pourquoi ne pas…

— Eh bien ! dit-elle comme Fagin se taisait, la bouche contre son oreille et les yeux fixés sur les siens.

— Rien de plus pour le moment, dit le juif ; nous en reparlerons. Tu as en moi un ami, Nancy, un ami à toute épreuve ;