Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/345

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tant, il lui avait glissé, comme nous l’avons vu, quelques mots à l’oreille. Elle n’en avait paru nullement surprise, et il était impossible qu’elle n’en eût pas saisi la portée. Évidemment elle avait parfaitement compris de quoi il s’agissait : le coup d’œil qu’elle avait lancé à Fagin en le quittant en était la preuve.

Mais peut-être hésiterait-elle à s’entendre avec lui pour faire périr Sikes, et c’était pourtant là le principal but à atteindre. Comment pourrai-je accroître mon influence sur elle ? se disait le juif en regagnant sa demeure à pas de loup ; comment acquérir encore plus d’empire sur elle ?

Un esprit comme celui de Fagin était fécond en expédients : s’il pouvait, sans arracher directement un aveu à la jeune fille, la faire surveiller, et découvrir la cause de son changement, puis la menacer de tout révéler à Sikes dont elle avait si grand’peur, à moins qu’elle ne consentît à entrer dans ses vues, ne pourrait-il pas alors compter sur son obéissance ?

« C’est sûr, dit Fagin, presque à haute voix. Elle n’oserait plus alors me refuser ; non, pour rien au monde ; l’affaire est bonne, le moyen est tout trouvé et sera mis en œuvre. Je te tiens, ma mignonne. »

Il jeta derrière lui un regard affreux, et fit un geste menaçant dans la direction de l’endroit où il avait laissé le brigand, puis continua son chemin, agitant ses mains osseuses dans les poches de sa vieille redingote, où il semblait à chaque mouvement de ses doigts crispés, qu’il écrasait un ennemi détesté.


CHAPITRE XLV.
Fagin confie à Noé Claypole une mission secrète.

Fagin se leva de bonne heure le lendemain matin, et attendit avec impatience l’arrivée de son nouvel associé. Celui-ci, après un délai que le juif trouva interminable, se présenta enfin et attaqua le déjeuner avec voracité.

« Bolter, dit le juif en avançant sa chaise et en s’asseyant en face de Maurice Bolter.