Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/356

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— Ne parlez pas ainsi, dit le monsieur d’un ton de bonté qui aurait touché un cœur plus endurci. Réfléchissez ; dites-moi ce que je puis faire pour vous ?

— Rien, monsieur, répéta la jeune fille en pleurant ; vous ne pouvez rien pour moi ; il n’y a plus pour moi d’espérance.

— Vous allez trop loin, dit le monsieur ; votre passé a été coupable ; vous avez mal employé cette énergie de la jeunesse, ces trésors inestimables que le Créateur ne nous prodigue qu’une fois ; mais vous pouvez espérer dans l’avenir. Je ne veux pas dire qu’il soit en notre pouvoir de vous donner la paix du cœur et de l’âme : vous ne l’aurez que par vos propres efforts ; mais nous pouvons vous offrir un asile paisible en Angleterre, ou, si vous craignez d’y rester, dans quelque pays étranger ; cela, nous pouvons le faire, et nous avons le plus vif désir de vous mettre à l’abri de tout danger. Avant la fin de la nuit, avant que cette rivière s’éclaire des premières lueurs du jour, vous pouvez vous trouver bien loin de vos anciens compagnons, sans qu’il reste de vous plus de traces que si vous n’étiez plus au monde. Voyons, n’échangez plus un mot avec aucun de vos anciens associés, ne rentrez pas dans votre taudis, ne respirez plus cet air qui vous corrompt et qui vous tue, quittez-les tous quand il en est temps encore et que l’occasion vous est favorable.

— Elle se laissera convaincre, dit la jeune demoiselle ; elle hésite, j’en suis sûre.

— Je crains que non, ma chère, dit le monsieur.

— Non, monsieur, je n’hésite pas, répondit Nancy après un instant de lutte intérieure ; je suis enchaînée à mon ancienne vie ; je la maudis, je la hais maintenant, mais je ne puis la quitter. J’ai été trop loin pour revenir en arrière ; et pourtant je n’en sais rien, car si vous m’aviez tenu ce langage il n’y a pas longtemps, je vous aurais ri au nez. Mais, ajouta-t-elle en regardant avec inquiétude autour d’elle, voici mes terreurs qui me reprennent. Il faut que je retourne chez moi.

— Chez vous ! s’écria la jeune demoiselle avec tristesse.

— Chez moi, mademoiselle, répéta Nancy. Il faut que je continue à mener l’existence que je me suis faite. Quittons-nous. Peut-être ai-je été espionnée et vue. Laissez-moi : partez. Si je vous ai rendu service, tout ce que je vous demande, c’est de me quitter et de me laisser m’en aller seule.

— Je vois bien que tout est inutile, dit le monsieur avec un soupir. Peut-être compromettons-nous sa sûreté en restant