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Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/370

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Le blé est un peu en hausse. J’ai aussi entendu parler d’un assassinat du côté de Spitalfields, mais je n’y crois guère.

— Oh ! ce n’est que trop vrai, dit un voyageur en mettant la tête à la portière ; c’est un affreux assassinat.

— En vérité, monsieur ? reprit le courrier en mettant la main à son chapeau. Est-ce un homme ou une femme ?

— C’est une femme, répondit le voyageur ; on suppose que…

— Allons, allons, Benjamin ! s’écria le postillon avec impatience.

— Les maudites dépêches ! dit le courrier. Ah çà ! dormez-vous, là dedans ?

— On y va, dit le directeur du bureau en apportant les lettres.

— On y va, on y va ! grommela le courrier… c’est comme la jeune millionnaire qui doit un jour avoir un caprice pour moi ; mais quand ? je n’en sais rien. Allons, donnez vite !… En route ! »

Il sonna du cor et la voiture partit.

Sikes resta immobile dans la rue, indifférent, en apparence, à ce qu’il venait d’entendre, et sans autre préoccupation que celle de savoir où aller. À la fin il revint encore une fois sur ses pas, et prit la route qui mène de Hatfield à Saint-Albans. Il marchait d’un pas résolu ; mais quand il eut laissé Londres derrière lui et qu’il se fut enfoncé de plus en plus dans la solitude et les ténèbres de la route, il se sentit gagné par un sentiment de terreur et d’épouvante qui l’ébranla jusqu’au fond du cœur. Autour de lui tous les objets, réels ou imaginaires, immobiles ou agités, prenaient une apparence formidable ; mais ces craintes n’étaient rien au prix de ce que lui faisait éprouver le souvenir incessant de cet affreux cadavre du matin qu’il croyait sentir sur ses talons. Il pouvait distinguer, jusque dans les moindres détails, ses formes au milieu de l’ombre ; il le voyait s’avancer d’un air sinistre et solennel ; il entendait le frôlement des vêtements de sa victime contre les buissons, et chaque souffle du vent apportait à son oreille le son de ce cri, suprême et étouffé ; s’il s’arrêtait, le fantôme s’arrêtait aussi ; s’il courait, le fantôme le suivait, non pas en courant : ç’aurait été une consolation ; mais non, c’était comme un cadavre encore doué du simple mécanisme de la vie, emporté tout droit sur quelque vent funèbre qui rasait le sol.

Parfois il se retournait avec l’énergie du désespoir, résolu à éloigner de force le fantôme, qu’il savait pourtant bien être privé de vie ; mais alors ses cheveux se dressaient sur sa tête