Page:Dickens - Olivier Twist.djvu/388

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— D’où peut-il venir ainsi ? s’écria Tobie ; il aura été sans doute aux autres gîtes, et, n’y trouvant que des inconnus, il sera venu ici comme il l’a déjà fait si souvent. Mais où a-t-il quitté son maître et pourquoi arrive-t-il seul ?

— Il n’est pas possible qu’il se soit tué, dit Chitling, sans oser prononcer le nom de l’assassin. Qu’en pensez-vous ? »

Tobie hocha la tête.

« S’il s’était tué, dit Kags, le chien aurait essayé de nous conduire près du corps de son maître. Non, je crois plutôt qu’il a trouvé le moyen de quitter le pays et qu’il aura abandonné son chien ; il faut qu’il l’ait planté là de manière ou d’autre : sans cela, l’animal n’aurait pas l’air si tranquille. »

Cette supposition paraissant la plus probable fut adoptée sans contestation : le chien, se glissant sous une chaise, s’y établit commodément pour dormir, et personne ne fit plus attention à lui.

La nuit était venue ; on ferma les volets et l’on alluma une chandelle que l’on mit sur la table. Les terribles événements qui s’étaient succédé depuis deux jours avaient fait sur nos trois individus une profonde impression, accrue encore par le danger et l’incertitude de leur propre position. Ils s’assirent tout près les uns des autres, tressaillant au moindre bruit ; ils parlaient peu et à voix basse, et, à les voir ainsi muets et terrifiés, on eût cru que le cadavre de la femme assassinée gisait dans la pièce voisine.

Ils étaient depuis quelque temps dans cette attitude, quand tout à coup on frappa à la porte de la rue à coups précipités.

« C’est le jeune Charlot, » dit Kags en regardant avec colère autour de lui pour se donner du courage.

On frappa de nouveau… Ce n’était pas Charlot… il ne frappait jamais ainsi.

Crackit alla à la fenêtre, se pencha pour regarder et fit un bond en arrière ; il n’y avait plus besoin de demander qui était là : le visage pâle de Crackit le disait assez. Au même instant, le chien se remit sur ses pattes et courut vers la porte en grondant.

« Il faut lui ouvrir, dit Tobie en prenant la chandelle.

— Le faut-il absolument ? demanda l’autre d’une voix étouffée.

— Oui, il faut le faire entrer.

— Ne nous laissez pas dans l’obscurité, » dit Kags en prenant une chandelle sur la cheminée et en l’allumant d’une